L'Orléans gallo-romain, entre traditions gauloises et influences romaines

L'Orléans gallo-romain, entre traditions gauloises et influences romaines

Un des sites majeurs de l’Orléans antique est le sanctuaire de l’Etuvée dédié à Acionna, une divinité des eaux, et situé à environ 2,5 km en périphérie nord-est de la ville. Si ce site est considéré comme sacré durant l'Antiquité, il n’en est pas moins le point de départ d’un vaste réseau hydraulique comprenant à la fois le captage de l’eau, sa distribution et son évacuation. Il est composé d’aqueducs souterrains venant alimenter les fontaines, les thermes, les édifices de spectacles et même les demeures privées de la ville. Cette maîtrise de l’eau est un signe flagrant de l’importante romanisation des villes gauloises.

En tant que ville principale du territoire carnute, Cenabum conserve son statut de place forte commerciale sous l’empire romain. Les importations et exportations se font jusqu’à Rome.

Le dieu tutélaire de la ville était naturellement Mercure, dieu du commerce et des échanges. Dans l’Empire romain, la religion était au centre de la vie quotidienne. Les hommes cherchaient à obtenir la faveur de leurs dieux grâce à des sacrifices, des offrandes et des prières au sein de petits sanctuaires domestiques appelés laraires, suivant le modèle romain. Ces pratiques reflètent bien la forte romanisation du territoire gaulois, et plus particulièrement d’Orléans, au début de notre ère. Il n'est donc pas étonnant de retrouver un grand nombre d'objets romanisants lors des opérations archéologiques.

Gallo-roman Orléans, between Gallic tradition and Roman influence

One of the most notable places of ancient Orléans is the sanctuary of l’Etuvée dedicated to Aciona, a deity of waters, located at approximately 2,5 kilometres in the north-west outskirts of the city, which was built on a spring considered as sacred during Antiquity. This place is also the starting point of a vast hydraulic network comprising both water collection, distribution and disposal. It is composed of underground aqueducts that supply fountains, baths, entertainement buildings and even private homes in the city. Such skills in terms of water resource management are an obvious indication of the increasing Romanization of Gallic cities.

As the main city of the Carnutes’ territory, Cenabum remained a commercial stronghold under the Roman Empire, importing and exporting goods as far as Rome.

The tutelary god in the city was Mercury, god of commerce and trade. In the Roman Empire, religion was at the centre of daily life. Men secured their Gods’ favour thanks to sacrifices, offerings and prayers in small domestic sanctuaries dedicated to their Lares, in accordance with the roman model. All this shows the strong romanization of the Gallic territory, especially that of Orléans, at the beginning of our time. It is therefore not surprising to find a large number of Roman objects during the archaeological operations.

Statuette de Mercure trouvée lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Statuette de Mercure trouvée lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)

La statuette représentant Mercure

Dans l’empire romain, le lien avec les dieux est essentiel et permanent. Ces derniers auraient la capacité d’intervenir dans les affaires des hommes, il est donc nécessaire de s’assurer de leurs faveurs. Les statuettes de divinités sont considérées comme des personnifications habitées par l’esprit de la divinité qu'elles incarnent, c’est pourquoi elles figurent très souvent dans les habitations où le laraire peut prendre la forme d’une niche ouverte dans un mur, ou encore d’un petit autel placé au centre de la pièce.

Cette statuette a été découverte lors des fouilles réalisées sur le site de l’actuel lycée Saint-Euverte ayant révélé la présence d'un quartier d'habitat établi au cours du Ier siècle ap. J.-C., en limite de la zone urbanisée de la ville. Le quartier est progressivement abandonné à partir de la fin du IIe siècle ou au début du IIIe siècle. Les caves sont alors remblayées avec des matériaux provenant des habitations démolies, à la fois des matériaux de construction et du mobilier de la vie quotidienne, à laquelle appartiennent justement cette statuette et le balsamaire présenté plus bas.

Elle représente le dieu Mercure nu. Il est ici paré de ses attributs traditionnels. La bourse dans sa main droite fait référence à sa fonction de dieu des marchands. Sa main gauche tenait probablement un caducée, baguette surmontée de deux ailes et entourée de deux serpents entrelacés, qui est un autre de ses emblémes caractéristiques. Les deux ailerons à même sa chevelure remplacent son habituel pétase ailé, chapeau rond à bords larges dont se coiffaient les voyageurs. La statuette repose sur un socle cylindrique mouluré, surmonté d’un petit coq en ronde-bosse, un des animaux associé au dieu.

Statuette de Mercure

Fin du IIe siècle - début du IIIe siècle

Lycée Saint-Euverte (Orléans)

Alliage cuivreux

L. 6,4 cm, l. 3,3 cm

Orléans, Pôle d’archéologie (inv. 282_MOB_004, 282_MOB_468)

Année de découverte : 2017

Applique décorative représentant Mercure (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Applique décorative représentant Mercure (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)

L'applique décorative représentant Mercure

En 2016, une vingtaine de sanctuaires présentant une dédicace à Mercure ont été recensés en Gaule romaine, soit près de la moitié des sites cultuels découverts possédant une dédicace à une divinité. À cela, il faut également ajouter les nombreuses statuettes retrouvées en contexte privé. On rencontre surtout des représentations de Mercure au sein des agglomérations, dans des habitats caractérisés par des activités artisanales. Ce lien avec le commerce explique vraisemblablement sa présence marquée dans une ville commerçante comme Cenabum.

Cette plaque carrée, en alliage cuivreux, est divisée en trois registres horizontaux remplis de pâte de verre millefiori. Il s'agit d'un type de verre particulier, décoré dans la masse pour former une sorte de mosaïque ornée. Au-dessus, une figure anthropomorphe en ronde-bosse est fixée sur la plaque par un tenon au dos du torse. Il s'agit de la représentation d'un Mercure qui n’est pas sans rappeler la statuette décrite ci-dessus et trouvée sur le même site : il arbore une chevelure ailée similaire et tient une bourse dans sa main droite. Le bord de la plaque est chanfreiné et aucun système de fixation n’est visible au revers, ce qui permet d’imaginer qu’elle était probablement encastrée dans un support, peut-être en bois.

Applique

IIIe s. ap. J.-C.

Lycée Saint-Euverte (Orléans)

Alliage cuivreux et verre

L. 3 cm, l. 3 cm

Orléans, Pôle d’archéologie (inv. 282_MOB_431)

Année de découverte : 2017

Particularité : cet objet constitue, à ce jour, l'unique exemplaire connu associant un décor en verre millefiori et une figuration de divinité en bronze

Statuette de Diane (crédits : MAN ; Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Statuette de Diane (crédits : MAN ; Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)

La statuette de Diane

On distingue plusieurs grands types de statuaire associés à la déesse Diane (ou Artémis en grec), qui correspondent à des originaux grecs datés du IVe siècle av. J.-C. Les plus répandus sont le type Diane de Versailles, attribué au sculpteur grec Léocharès, et le type Rospigliosi, plus fréquemment reproduit sur des statuettes. Les exemplaires emblématiques de ces deux types sont conservés au musée du Louvre. La statuette découverte dans les environs d’Orléans adopterait plutôt le type Rospigliosi : on distingue des similitudes dans la coiffure nouée et la tenue vestimentaire, mais également dans la position de la déesse, avec une jambe en avant.

Cette statuette est conservée au Musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye. Il s’agit d’une Diane chasseresse, fréquemment représentée aussi bien en statuaire que sur des médailles et monnaies. Elle est vêtue d’une tunique et de sandales montantes. Elle porte un carquois dans son dos et devait tenir un arc dans ses mains. Le carquois est son attribut, qu’elle porte généralement derrière l’épaule gauche, comme c’est le cas sur cet exemplaire. Sa coiffure en forme de nœud est fréquemment associée aux représentations de la déesse mais également à celles de Vénus au bain et parfois à Apollon.

Les différentes représentations de divinités romaines découvertes à Orléans prouvent l’adoption de tout le panthéon gréco-romain en Gaule, tout en conservant certaines divinités et spécificités cultuelles gauloises. Des divinités romaines comme Mars ou encore Apollon sont dotées de nouvelles attributions et participent de la création d’un panthéon gallo-romain. Les statuettes de Mercure ou de Diane présentées ici en sont une illustration claire.

Statuette

Période gallo-romaine

Environs d’Orléans

Alliage cuivreux

H. 26 cm

Saint-Germain-en-Laye, Musée d’Archéologie Nationale (inv. MAN 77301)

Année de découverte : inconnue

Balsamaire anthropomorphe trouvé lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Balsamaire anthropomorphe trouvé lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)

Le balsamaire anthropomorphe

Le terme balsamaire désigne un petit récipient d'époque romaine destiné à contenir des parfums ou des baumes. En effet, le mot tire son origine du latin balsamum signifiant huile parfumée ou baume. Certains présentent une forme anthropomorphe (à silouhette humaine). Leur production est très standardisée : obtenus par moulage, ils sont généralement pourvus d'une ouverture circulaire sans col au sommet du crâne, fermée par un couvercle à charnière, ainsi que d'une anse mobile. Le buste creux du personnage représenté constitue la panse du récipient.

L'iconographie des balsamaires anthropomorphes se répartit en plusieurs types, dont les plus répandus sont celui du jeune homme, les représentations d'Éthiopiens, ainsi que les sujets bacchiques (liés à Bacchus, le dieu du vin). Le balsamaire découvert au lycée Saint-Euverte adopte la forme d'un buste de jeune homme nu.

Balsamaire

Milieu du IIe siècle - IIIe siècle ap. J.-C.

Lycée Saint-Euverte (Orléans)

Alliage cuivreux

L. 9 cm, l. 4 cm

Orléans, Pôle d’archéologie (inv. 282_MOB_005)

Année de découverte : 2017

Plateau de balance découvert lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans, vue du dessus (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Plateau de balance découvert lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans, vue du dessus (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Plateau de balance découvert lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans, vue du dessous (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Plateau de balance découvert lors des fouilles du lycée Saint-Euverte à Orléans, vue du dessous (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)

Le plateau de balance

La découverte d’un tel objet à Orléans, parallèlement à la mise au jour de nombreuses monnaies et autres objets commerciaux, illustre par l'archéologie les textes d’auteurs antiques dépeignant Cenabum, l’antique Orléans, comme place forte commerciale. En effet, César mentionne l’installation de marchands romains à Cenabum dès le milieu du Ier siècle av. J.-C., et Strabon dépeint la ville comme le principal centre commerçant du territoire carnute. Il s’agit donc d’une cité prospère.

Il existe plusieurs type de plateaux de balance connus. Les plus anciens exemplaires approchant, de type Vale Ponti, proviennent d'épaves méditerranéennes dont le naufrage est daté de la fin du Ier siècle av. J.-C. De son côté, le plateau de balance d’Orléans correspondrait plutôt au type Pompéi, défini par B. Franken et découvert dans des contextes allant du milieu du Ier siècle au IIIe siècle ap. J.-C. Nous sommes ici en présence de l’un des deux exemplaires les plus septentrionaux du monde romain, avec celui conservé au musée de Metz.

Ce plateau de balance plat, de forme circulaire, présente des anneaux de suspension foliacés, c'est à dire évoquant une feuille.

Plateau de balance

Ier - IIIe siècle ap. J.-C.

Lycée Saint-Euverte (Orléans)

Alliage cuivreux

H. 2,7 cm, diam. 11,4 cm

Orléans, Pôle d’archéologie (inv. 282_MOB_006)

Année de découverte : 2017

Cachet d'oculiste découvert au 18 rue Porte Saint-Jean (crédits : M. Muratet, INRAP, 2014)
Cachet d'oculiste découvert au 18 rue Porte Saint-Jean (crédits : M. Muratet, INRAP, 2014)

Le cachet d'oculiste

Un cachet d’oculiste est un tampon en pierre dure (stéatite, schiste ou grès) de forme rectangulaire ou carrée et de petit format, dont les quatre côtés sont gravés en creux d’inscriptions en caractères rétrogrades (de droite à gauche), afin de pouvoir être imprimées sur du collyre solide, une substance médicamenteuse ophtalmique.

Les cachets ont essentiellement été découverts en Gaule et dans les territoires directement voisins. Ils indiquent l’importance accordée à cette pratique médicale en Gaule romaine, confirmée par ailleurs par la découverte d’instruments destinés aux opérations de l'oeil. L’utilisation de collyres solides, et donc celle de cachets d’oculiste, serait une technique spécifiquement gauloise. En effet, une majorité des oculistes gaulois étaient des praticiens ambulants (fait attesté par la découverte de plusieurs cachets appartenant à un même oculiste dans différents endroits de la Gaule) et les collyres solides étaient plus facilement transportables que les préparations liquides des autres provinces.

La fouille de 1999, au n°18 de la rue Porte-Saint-Jean, a permis de mettre au jour ce cachet d’oculiste en schiste du Ier siècle ap. J.-C. Sur les côtés, la première ligne de texte indique le nom du praticien et la deuxième ligne mentionne les affections oculaires et la préparation prescrite. Ici, le nom de l'oculiste, un certain Marcus Lupus Mercae, démontre la mixité culturelle gallo-romaine. Celui-ci adopte en effet les trinomina romains, qui se composent d’un praenomen(prénom), d’un nomen (nom) et d’un cognomen (surnom). D’ailleurs, Marcus et Lupus sont des noms romains, et Mercae est un nom gaulois romanisé.

Cachet d’oculiste

Ier siècle ap. J.-C.

18 rue Porte-Saint-Jean (Orléans)

Schiste

H. 1 cm, L. 4,5 cm, l. 4,5 cm

Orléans, DRAC Centre, Service régional de l’Archéologie

Année de découverte : 1999

Face 1 : DIASMYRN[ES] TRIP[UNCTUM], « Un collyre à base de Myrrhe ».

Face 2 : PACCIAN[UM]  ADDIAT[HESIS], « Contre les maladies oculaires en général, un collyre issu d’une recette de Paccius Antiochus » (célèbre médecin du temps d’Auguste et de Tibère).

Face 3 : DIALEP[IDOS] ADASP[R]I[TUDINEM], « Contre la conjonctivite granuleuse, un collyre à base de cuivre ».

Face 4 : SPOD[IACUM] AD LIPPI[TUDINEM], « Contre la conjonctivite aiguë, un collyre aux lamelles métalliques ».

Moulage de la stèle dédiée à Acionna provenant du sanctuaire de l'Etuvée (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)
Moulage de la stèle dédiée à Acionna provenant du sanctuaire de l'Etuvée (crédits : Ch. Camus, Musées d'Orléans, 2019)

Le moulage de la stèle dédiée à Acionna

Le sanctuaire de l’Etuvée (lieu-dit la Fontaine de l’Etuvée), serait édifié sur le point d’émergence d’une source vénérée depuis la plus haute Antiquité et située en partie basse du site. En 1823 y est mise au jour une stèle votive, dédiée à Acionna.

Acionna est une divinité inconnue en dehors d’Orléans. La terminaison -ona signifie « fleuve » en langue celte, « Acionna » est donc un nom celte latinisé. Il s’agit d’une déesse des eaux, identification appuyée par la présence de sources résurgentes et d’un bassin à l’entrée du sanctuaire.

Si le premier sanctuaire du Ier siècle av. J.-C. se réduit à un enclos, il est remplacé au Ier siècle ap. J.-C. par un fanum, temple carré à galerie périphérique. On y a découvert une série d’ex-voto sous forme de plaquettes en tôle de bronze représentant des yeux, des organes internes ou plus rarement des visages. Ces représentations servaient d'offrandes ou de remerciements à la déesse pour une guérison. À cela s’ajoutent des instruments destinés aux soins du corps, comme par exemple un miroir, une pince à épiler, un cure-ongle etc... Leur présence permet d’identifier un sanctuaire guérisseur, souvent en lien avec une source en Gaule romaine. Au IIe siècle ap. J.-C., on observe la construction d’un bassin et d’une cour à portique monumental, mentionné dans l’inscription sur la stèle, mais également du réseau d’aqueducs souterrains. Cette composition architecturale marque simultanément la permanence d’un culte gaulois et son adaptation à la culture romaine.

Ce moulage en plâtre est celui de la stèle découverte au XIXe siècle et aujourd'hui perdue. Elle porte une inscription en latin énonçant la dédicace du sanctuaire à la déesse et celui qui l'a fait construire. Cette stèle a ainsi permis d'émettre l’hypothèse de la présence d’un sanctuaire gallo-romain à cet emplacement.

Stèle

Milieu du Ier siècle – milieu du IIe siècle

Fontaine de l’Étuvée (Orléans)

Moulage en plâtre

H. 58 cm, L. 74 cm, ép. 20 cm

Orléans, Musée des Beaux-Arts (inv. 79.3.1)

Année de découverte : 1823

AUG(ustae) ACIONNAE SACRUM CAPILLUS ILLIOMARI F(ilius) PORTICUM CUM SUIS ORNEMENTIS V(otum) S(olvit) L(ibens) M(erito).

« Consacrée à Augusta Acionna, ce portique avec ses dépendances a été construit par Capillus fils d'Illiomarus, qui a acquitté son vœu de bon gré, comme de juste. »

Date de modification : 8 juillet 2020

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