L'abbé André Nouel : préhistorien orléanais

… Ce n’est pas une histoire « événementielle ». Et non seulement la science préhistorique ne prétend pas résoudre tous les problèmes, mais chaque découverte nouvelle les complique et pose plus de questions qu’elle n’en résout. N’est-ce pas d’ailleurs à cet humble aveu d’ignorance relative qu’on reconnaît, dans tous les domaines de la science, le véritable savant. Mais cette histoire de l’activité humaine, de ses techniques primitives, de leur naissance, de leur évolution, de leur diffusion à travers l’espace, revêt une incontestable grandeur. Sous les vestiges que nous a laissés la civilisation néolithique, on croirait que palpite encore une âme.

Abbé André Nouel, Sur la trace de nos ancêtres préhistoriques – La civilisation néolithique (Beauce, Loire moyenne, Gâtinais) – 1961.

L'abbé Nouel en 1958 (crédits : Hubert Blanchet).
L'abbé Nouel en 1958 (crédits : Hubert Blanchet).

L’abbé André Nouel, né le 11 avril 1901 à Boulogne-sur-Seine (92) d’une famille orléanaise, est décédé le 17 février 1971. Sa famille s’installe à Orléans dès 1908. Bachelier en philosophie en 1918, il entre au Grand séminaire et est nommé vicaire à Montargis entre 1925 et 1934. À partir de cette date et jusqu’en 1959, il devient professeur au Collège Sainte-Croix à Orléans.

Correspondant du directeur des Antiquités Préhistoriques de la région Centre et délégué départemental de la Société Préhistorique Française, il fut président de l’Association des Naturalistes Orléanais en 1962, société dont il était l’un des membres fondateurs. Il fut également vice-président de la Société Archéologique et Historique de l’Orléanais de 1964 à 1966.

Une passion précoce pour l'archéologie...

Très tôt, il se passionne pour l’archéologie. Une de ses premières fouilles remonte à 1930 et concerne un abri daté du Paléolithique supérieur en Dordogne (Castelnau). Il parcourt les sites de la vallée du Loing, initié par les prospecteurs locaux. Le célèbre site du Beauregard à Nemours (77), où il se rend à bicyclette depuis Montargis, est un de ses lieux de fouilles favoris.

... à l'origine d'une collection préhistorique de référence

La guerre de 1939-1945 sera fatale à ses études et à la Préhistoire orléanaise. En juin 1940, sa bibliothèque, ses notes et l’intégralité de sa collection conservés chez lui, à l’école Sainte Croix, furent la proie des flammes lors de l’embrasement de la ville. Sergent-chef au 43e régiment d’infanterie coloniale, il venait d’être fait prisonnier sur le front d’Alsace au moment des faits et fut envoyé dans une unité de travail forcé dans une ville des bords du Rhin. De retour de captivité en 1943, l’abbé fut soucieux de reconstituer sa collection personnelle. De l’acquisition de collections privées, aux dons de particuliers et récoltes personnelles (prospections et fouilles), il constitua, grâce à sa détermination et sa persévérance, une collection lithique d’intérêt majeur pour la Préhistoire de notre région (elle est estimée à environ 50000 pièces). Il en fit don au muséum d’Orléans le 11 avril 1968.


...et de la création de la salle d'archéologie au Museum d'Orléans

Soucieux de présenter et faire connaître au public la Préhistoire de la région, il avait créé avec Paul SOUGY, alors conservateur, une salle consacrée à l’archéologie régionale au Muséum. Il commentait la chronologie et le contenu de cette salle lui même, chaque jeudi, aux visiteurs, jeunes préhistoriens et cultivateurs qui comprirent soudain l’intérêt des silex trouvés au hasard des labours. Il se forgera alors un réseau dans le monde rural qui contribuera à l’acquisition par le muséum, de nouvelles pièces lithiques provenant des champs de la Beauce, du Val de Loire, ou du Gâtinais.

L’outillage et le mobilier préhistorique ne suscitaient pas le seul intérêt de l’abbé Nouel. Outre un inventaire très précis, il fut à l’origine de la fouille ou de la consolidation de quelques sépultures mégalithiques telles les sépultures d’Éteauville (Lutz-en-Dunois, Eure-et-Loir), ou le dolmen de la Mouïse Martin (Tripleville, Loir-et-Cher). Il fut également le commanditaire du sauvetage ainsi que la mise en valeur de polissoirs remarquables tels ceux de Civry et de Nottonville (Eure-et-Loir).

L'abbé Nouel dans la salle d'archéologie du Museum d'Orléans (crédits : Muséum d'Orléans)
L'abbé Nouel dans la salle d'archéologie du Museum d'Orléans (crédits : Muséum d'Orléans)
Sur les fouilles des sépultures mégalithiques d'Éteauville en Eure-et-Loir, le 16 avril 1963 (crédits : Muséum d'Orléans)
Sur les fouilles des sépultures mégalithiques d'Éteauville en Eure-et-Loir, le 16 avril 1963 (crédits : Muséum d'Orléans)

Dessin d'un biface d'Olivet (crédits : Muséum d'Orléans)
Dessin d'un biface d'Olivet (crédits : Muséum d'Orléans)

Des publications nombreuses

C’était un chercheur de grande envergure, qui restera le préhistorien de référence pour notre région. Ses nombreux travaux (128 articles publiés à titre d’auteur ou dans diverses revues à caractères nationales et régionales), sa documentation constituée de dossiers, fichiers et répertoires, toujours abondamment et correctement illustrés, constituent des documents de base pour la connaissance des différentes époques préhistoriques et protohistoriques de la région. Cet ensemble représente l’œuvre de toute une vie consacrée à l’enseignement et à la recherche préhistorique.

Un chercheur modeste

Pour les personnes l’ayant côtoyé, il reste l’image du bon abbé Nouel à qui, devant sa probité, son désintéressement, son affabilité et sa modestie, chacun ouvrait son cœur et sa porte. Pédagogue souriant et convaincu, il avait su mettre à la portée de tous, des notions scientifiques mûries par ses vastes connaissances et son érudition. Sans aucun souci d’élégance vestimentaire, il resta jusqu’au bout fidèle à sa soutane, son béret et à sa longue pèlerine. C’est ainsi vêtu qu’il apparaît sur les quelques photos prises lors de fouilles, dans la salle de préhistoire du muséum, ou près de mégalithes (dolmens, menhirs, polissoirs) régionaux.

Il repose aujourd’hui au grand cimetière d’Orléans, sa sépulture reflétant sa légendaire modestie.

Texte rédigé par Marc Laroche.


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