Rue de la Tour-Neuve/Vinaigrerie Dessaux (site 256)

15-17 rue de la Tour Neuve
Orléans

Relevé du parement du mur d'enceinte lors des fouilles de la Vianigrerie Dessaux à Orléans en 2017 (crédits : Pôle d'archéologie, 2017)
Etude et relevé du parement externe de l'enceinte sur le site de la Vinaigrerie Dessaux à Orléans (crédits : Pôle d'archéologie, 2017)
Reprise médiévale en avant du parement antique, site de la Vinaigrire Dessaux à Orléans (crédits : Pôle d'archéologie, 2017)
Archère médiévale de la courtine en zone 2, site de la Vinaigrire Dessaux à Orléans (crédits : Pôle d'archéologie, 2017)
Relevé en élévation de la face externe de l’ancien mur de courtine en zone 1 (relevé et DAO : Alix C., Gonzales y Martines L., Janvier R., Josserand L., Najera-Marcos I., Riou A., Vigie C., Ziegler L.).

Menée en 2017, cette fouille a porté sur les vestiges en élévation de la partie la mieux conservée du mur de l’enceinte urbaine construite au 4e siècle pour ceinturer la ville d’Orléans. Ce tronçon, qui devait traverser l’ensemble de la parcelle (longue de 99 m), est actuellement occupée par l’ancienne usine de la vinaigrerie Dessaux et est délimité par les rues de la Tour-Neuve à l’est, du Chêne-Percé au nord, de la Folie à l’ouest et des Africains au sud. Le mur de courtine est visible sur environ 67 m de longueur et jusqu’à plus de 8 m de hauteur à certains endroits. Il a toutefois été altéré sur sa face interne et dans son épaisseur de façon conséquente (percements, modification du parement). Cette fortification avait déjà été partiellement appréhendée lors d’opérations archéologiques menées en 1985 pour l’aménagement du parc de stationnement rue de la Tour-Neuve (dir. D. Petit), permettant notamment de connaître la lice et le fossé de l’enceinte, puis lors d’un diagnostic en 2008 (S. Liégard dir.) mettant au jour un fragment du parement interne de la courtine.

Un réexamen complet de la fortification

L’opération d’archéologie du bâti de 2017 a été scindée en deux tranches, correspondant à deux parties distinctes du mur. La zone 1, longeant le parking de la rue de la Tour-Neuve sur une longueur d’environ 46 m, a été observée en juin et juillet ; après enlèvement d’une partie du lierre qui recouvrait le mur, l’étude comportait la réalisation d’une orthophotographie, de relevés manuels, de sondages et des observations menés au sol et depuis une nacelle. La zone 2, correspondant au tronçon méridional, long d’environ 16 m, se situant à l’intérieur de la vinaigrerie, fut fouillée à la fin du mois d’août et en septembre, grâce au montage d’un échafaudage sur les deux faces du mur. Les prélèvements de terres cuites architecturales, de mortier de chaux, de lapidaires et de charbon de bois permettront de mieux caractériser certains matériaux et peut-être d’affiner les datations.

Sur ce site, la courtine devait initialement recevoir deux tours de flanquement. Celle du sud, dont aucune trace n’a été observée, se trouverait à la jonction des zones 1 et 2. Celle du nord, a été repérée lors de la fouille de 1985. Détruite à la fin du 16e s. ou au début du 17e s, cette tour d’un diamètre de 8 m, se situait à la limite actuelle de la parcelle avec la rue du Chêne-Percé.

L'enceinte antique pierre à pierre

Cette étude a permis de mieux caractériser la mise en œuvre de la construction de la courtine gallo-romaine, en particulier son blocage et son parement externe. Ce parement se compose d’une alternance régulière de trois assises de moellons et de trois assises de briques. Ces dernières, profondément ancrées dans le blocage, ne sont pas traversantes sur toute l’épaisseur du mur. Le blocage a pu être appréhendé grâce à plusieurs sondages et par le décapage des parois des ouvertures percées ultérieurement dans l’épaisseur du mur. Ces éléments sont liés par un mortier de tuileau, qui était lissé en surface (joints tirés au fer), comme en témoignent quelques fragments conservés en zone 1. Sur toute la longueur du mur, ces assises présentent un pendage vers le sud. Cette inclinaison correspondant à la pente naturelle du terrain (déclivité vers la Loire). À la limite entre fondations et élévation, le mur présentait un amincissement formé par une retraite située au niveau de l’un des cordons de briques.

Comme ailleurs à Orléans, les fondations de la courtine comportent par endroit des blocs de moyen et de grand appareil en remploi, provenant vraisemblablement d’édifices du Haut-Empire. Plusieurs de ces pierres sont issues de carrières situées en amont sur la Loire et ont été acheminés sur le fleuve : calcaire oolithique des alentours de Nevers et de La Chartité-sur-Loire, calcaire d’Apremont-sur-Allier (Cher) pour les blocs moulurés.

Pour la première fois des éléments du chemin de ronde antique ont pu être observés (en zone 2). Son parapet se distingue par la présence d’au moins cinq assises de briques superposées qui viennent rompre de l’alternance régulière formée des trois assises de briques et des trois assises de moellons sur le reste de l’élévation du mur. Ce parapet se situe entre 109 m et 110,20 m NGF.

Une fortification entrenue tout au long du Moyen Âge

Le parement externe, probablement en mauvais état, a fait l’objet d’une vaste campagne de restauration vers les 10e-11e s. par comblements de trous à l’aide de fragments de matériaux de couvertures (tegulae, imbrex). Le chemin de ronde du Bas-Empire est surélevé au Moyen Âge. Le nouveau parapet, en moellons de calcaire de Beauce, était ouvert de créneaux assez espacés, et entre lesquels furent aménagés de petites archères (fente de tir de 70 cm de hauteur pour environ 7 cm de largeur). Les comparaisons formelles de ces dernières pourraient permettre une datation autour du 13e s.

En zone 1, une importante reprise du parement externe s’accompagne par le comblement d’une brèche large d’environ 2 m au niveau des fondations, nécessitant la construction d’un arc de décharge et la reconstruction à l’identique du cordon de brique formant ressaut. La partie nord de la courtine (zone 1) a été percée de deux grandes portes, de construction similaires : piédroits formés de briques et pierres en remploi, arc en plein-cintre en chantignoles. La porte nord correspond au portail de l’église Saint-Flou, qui aurait été édifiée au début du 11e s. sur la lice de l’enceinte (« Notre-Dame-de-Conception », « entre mur et fossés »). Ce portail était précédé à l’ouest par une tour-porche adossée contre le parement interne de la courtine, dont les fondations furent observées lors du diagnostic de 2008 (Liégard 2008)

L'abandon de la courtine et son intégration dans le bâti moderne

La construction d’une accrue de l’enceinte urbaine à partir de 1467, destinée à protéger les quartiers de Saint-Aignan et de Saint-Euverte et située plus à l’est, va entraîner l’abandon de l’ancienne courtine. L’église Saint-Flou est alors reconstruite sur un plan plus important, empiétant sur l’emprise de l’ancien fossé défensif désormais comblé (Petit 1985). L’arrachement du mur gouttereau sud de la nef de cette église est encore bien visible sur le parement de l’ancienne courtine. Le portail sud, quant à lui, est traditionnellement interprété comme étant le passage desservant le cimetière qui était situé immédiatement au sud de l’église Saint-Flou (attesté sur le plan parcellaire de Perdoux levé en 1779).

L’aménagement de plusieurs niches dans l’épaisseur du blocage témoigne du développement des habitations qui se sont élevées à partir de la fin du 15e s. contre le parement externe de la courtine et sur l’emplacement du fossé comblé. Ces maisons sont détruites au 19e s. pour l’aménagement des bâtiments de l’usine Dessaux, qui s’appuient sur les deux faces de la courtine. Côté externe de la zone 2, le hangar de l’usine comprend deux étages, ainsi qu’une cave dont le creusement oblige la construction d’un contre-mur au-devant des fondations de la courtine. Un certain nombre de portes et de passages, dont certaines servent au déchargement et à la manutention, sont percés au travers de l’ancien mur. À une époque difficile à préciser, le parement interne déjà érodé, fut désépaissi, conduisant à la création de ressauts. Au nord (en zone 1), l’ancienne courtine fait l’objet de multiples reprises : désépaississement de l’extrémité nord, réparations du parement, surélévation pour assoir les parties hautes de l’usine, etc.

Aujourd’hui, l’état de délabrement de l’ancienne courtine (arrachement du parement accéléré par la présence de lierre et de graffitis) va conduire à une restauration de cet ensemble constituant, avec la tour Blanche et la tour Sainte-Croix, le plus important vestige de la fortification gallo-romaine dans Orléans.


Thèmes
Chronologie

Informations administratives

Opérateurs
Type d'opération
Aménageur
Motif de l'opération
Responsable d'opération
Clément Alix
Équipe de fouille
Clément Alix, Israel Najera-Marcos, Laure Ziegler, Émilie Roux-Capron (topographie)

 

Opération du
Surface (en m2)
67
Numéro de prescription
15/0039
N° site Patriarche
45234256
Numéro OA
0610759
Date de mise à jour
9/1/2023
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