Fouille archéologique place du Cheval Rouge

Fouille archéologique place du Cheval Rouge

La fouille de la Place du Cheval-Rouge s’est déroulée de mai à novembre 2012, en amont de la construction d’un parking souterrain de cinq niveaux. L’équipe d’une quinzaine d’archéologues sur le terrain, a fouillé toute la surface du parking sur environ 1,5 m de profondeur, épaisseur des couches archéologiques. Au final, ce sont 3 000 de ces couches qui ont été enregistrées, 10 000 photos et 7 500 points levés en topographie.

Extrait du plan du quartier Saint-Paul à Orléans, vers 1788 (Médiathèque d’Orléans, Rés ZH 65)
Extrait du plan du quartier Saint-Paul à Orléans, vers 1788 (Médiathèque d’Orléans, Rés ZH 65)
Situation de la fouille archéologique par rapport à la ville tardo-antique et médiévale (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Situation de la fouille archéologique par rapport à la ville tardo-antique et médiévale (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Localisation du ruisseau de la Barre-Flambert (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Localisation du ruisseau de la Barre-Flambert (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)

Une place dans la ville

Avant la fouille

Plusieurs travaux ont précédé la fouille proprement dite, permettant de mieux connaître l’histoire du quartier. En premier lieu, la Ville d’Orléans a réalisé une étude documentaire sur le quartier afin de dresser un premier bilan du contexte historique et des connaissances sur l’église Saint-Paul. Un diagnostic archéologique a ensuite été mené par l’Inrap durant l’été 2009, sur l’emprise projetée du parking. Enfin, en janvier 2012, afin de libérer le terrain, une opération de déviation des réseaux a été réalisée. Reportées à la périphérie, les tranchées ont fait l’objet d’un suivi archéologique.

Contexte géographique

Plus largement, le site se trouve à moins de 100 mètres au sud de la Place De Gaulle, sur laquelle s’est déroulée en 2009-2010 une vaste opération de fouille menée par l’Inrap dans le cadre de la construction de la seconde ligne de tramway orléanaise. Les terrains sont placés à l’extérieur de l’enceinte tardo-antique et seront englobés dans la ville lors de la construction de la première extension de l’enceinte urbaine au XIVe siècle.

À l'origine, un secteur humide versant vers la Loire

Concernant la topographie générale du terrain, il existe actuellement une légère pente en direction de la Loire. Cette topographie est-elle héritée ou existait-il initialement un petit talweg, traversant la place du nord au sud ? Cette question reste en suspens puisqu’aucun sol ancien, antérieur au milieu du Ier siècle avant J.-C., n’a été conservé en raison du dérasement et du nivellement du terrain pratiqué à cette période.

Il convient toutefois de rappeler la mention dans les textes, dès la fin du XIIIe siècle, d’un petit cours d’eau dit de "la Barre-Flambert", s’écoulant depuis la Place du Martroi en traversant la rue du Tabour, à l’intersection de la rue de la Vieille-Poterie, avant de franchir la rue du Cheval-Rouge et de se jeter dans la Loire à proximité de l’ancienne tour Flambert. Si les traces d’un tel cours d’eau n’ont pas été mises en évidence place du Cheval-Rouge, ce secteur est resté humide de tout temps, comme l’a attesté l’étude palynologique réalisée durant l’opération. Cependant, les analyses ont exclu la présence d’un cours d’eau pérenne en l’absence d’espèce spécifique à ce type de milieu. Ce cours d’eau, et le talweg associé, se situent très certainement en dehors de l’emprise de la fouille.

Les marges de la ville gauloise

D'imposants travaux de nivellement en marge de la ville à la période gauloise

La présence humaine la plus ancienne correspond à un terrassement massif du coteau dans une volonté manifeste de niveler et d’assainir la zone, à partir du milieu du Ier siècle avant J.-C. Tous les sols antérieurs sont évacués et un niveau de circulation est aménagé sur les dépôts naturels d’alluvions. Ce premier sol construit, observé en de multiples sondages sur toute la surface d’emprise de la fouille, est constitué d’un cailloutis de galets de silex damés. Il a livré, entre autres, une proportion anormalement élevée d’amphores concassées, ainsi qu’un fragment de crâne d’un jeune enfant et un humérus de rapace (pygargue). Le mobilier permet une datation de ce sol de la seconde moitié du Ier siècle avant J.-C.

Des niveaux similaires ont été identifiés place De Gaulle et probablement place du Martroi. Comment interpréter un tel aménagement ? Il s’agit clairement d’une volonté d’assainir et de niveler un très vaste espace, en périphérie de l’agglomération, très peu de temps après la Conquête romaine, et probablement en lien avec les profonds changements urbains qui vont toucher la ville dès cette période.

Un secteur situé à la marge de la ville

Assez rapidement, ce vaste espace ouvert connaît certainement de nouveaux problèmes d’humidité, il est donc massivement remblayé par un apport de colluvions contenant du mobilier résiduel domestique. Ces remblais peuvent atteindre une épaisseur de près d’un mètre dans certains secteurs. En l’état actuel de l’étude, il nous est difficile de préciser s’il s’agit d’un apport unique et massif ou de multiples apports successifs.

Une première recharge de voirie constituée d’éclats calcaires concassés est aménagée sur ce remblai. Le secteur est alors progressivement aménagé, parsemé de trous de poteaux, fosses, celliers, drains, traduisant des activités domestiques ou artisanales. Il convient de préciser l’absence totale de maçonnerie. On note aussi la présence de diverses recharges qui prouvent un entretien régulier de cet espace. Le mobilier du dernier niveau de sol aménagé permet de le dater du milieu du Ier siècle après J.-C.

Vue du cailloutis, sol construit de la fin de l'âge du Fer (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Vue du cailloutis, sol construit de la fin de l'âge du Fer (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Coupe des couches de voirie de la fin de l'âge du Fer et du début de l'époque romaine (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Coupe des couches de voirie de la fin de l'âge du Fer et du début de l'époque romaine (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Corniche et pierre sculptée de l'époque romaine (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Corniche et pierre sculptée de l'époque romaine (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Plan d'un grand bâtiment du IIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Plan d'un grand bâtiment du IIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)

Les reliques d'une vaste construction de l'Antiquité

Au cours du IIe siècle, au plus tôt, est aménagé un vaste enclos quadrangulaire maçonné de 30 mètres de côté, dont seule la partie orientale a été observée. La fonction d’une telle clôture nous échappe sachant qu’il ne s’agit pas d’un bâtiment en l’absence de mur de refend.

La maçonnerie de l’enclos été entièrement récupérée. Toutefois, le comblement de la tranchée de récupération a livré un fragment de corniche en grand appareil de calcaire oolithique et quelques éléments d’enduits peints. On peut supposer que ces éléments proviennent d’un bâtiment qui devait se situer à l’intérieur de l’enclos ou appartenir à l’entrée ménagée dans la clôture. Une structure, constituée d’un négatif de cloison et d’un sol aménagé en tegulae a néanmoins été identifiée en partie centrale de l’enclos. Ces éléments démontrent clairement la présence d’un bâtiment dont la fonction reste inconnue (domestique ? cultuelle ?). La question se pose même de savoir si cet aménagement a été achevé, devant le peu de vestiges observés en dehors de l’enclos maçonné.

Abandon et récupération de matériaux pour la construction de l’enceinte au Bas-Empire

On n’observe aucun vestige entre la construction de l’enclos du IIe siècle et sa récupération entre le IIIe et le IVe siècle. Cette récupération a lieu approximativement à la même époque que les campagnes du même ordre observées place De Gaulle. La présence résiduelle de mobilier du IVe siècle dans les structures postérieures tend à prouver une occupation de ce secteur, bien que l’on soit incapable d’en déterminer la nature.

Un quartier peu occupé au début du Moyen Âge

Ve-VIIIe siècle : un hiatus de près de 400 ans

Cette période a laissé que peu de traces sur le site, hormis quelques structures isolées et des maçonneries de petits bâtiments se succédant à l’emplacement de la future église Saint-Paul. Ce constat est plutôt conforme à ce qui avait été observé jusque-là sur les autres sites du secteur ouest de la ville, situé à l’extérieur de l’enceinte urbaine du IVe siècle (place De Gaulle et  place Isaac Jogues notamment).

Seuls quelques fragments de sarcophages en remploi dans les maçonneries des églises postérieures, sont les signes probables d’un cimetière situé à proximité, peut-être celui signalé au sud, place du Vieux Marché et rue de Muzène, et découvert fortuitement au XIXe siècle.

Le secteur pourrait alors être cultivé, comme cela paraît être le cas à l’est de la ville, où au IXe siècle la construction de Notre-Dame-du-Chemin à l’entrée de la rue de Bourgogne se fait sur des terrains destinés à la culture de la vigne.

Un cimetière et un habitat au IXe et Xe siècle

C’est finalement à partir de la deuxième moitié du VIIIe siècle qu’il faut placer les premières traces de réoccupation du secteur avec quelques sépultures mal datées. Elles forment toutefois un groupe homogène sur le plan de la localisation, du recrutement, des orientations et de la position stratigraphique (recoupées par des sépultures plus tardives et par des structures d’habitat de la période suivante).

Leur orientation suit la rue du Tabour un peu plus au nord. Ceci converge avec l’observation de quelques sépultures retrouvées à l’entrée de la rue Jeanne d’Arc, dans le cadre de la construction de la seconde ligne de tramway.

La question du regroupement de ces sépultures à cet endroit n’a pour l’instant pas trouvé de réponse.

C’est peut-être également à cette période que pourrait se mettre en place la rue Saint-Paul au sud.

Mur appartenant probablement à un bâtiment du haut Moyen Âge situé à l’emplacement de la future église Saint-Paul (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Mur appartenant probablement à un bâtiment du haut Moyen Âge situé à l’emplacement de la future église Saint-Paul (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Plan de localisation des sépultures de la deuxième moitié du VIIIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Plan de localisation des sépultures de la deuxième moitié du VIIIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Plan des vestiges du IXe et du Xe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Plan des vestiges du IXe et du Xe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Exemple de sépulture en bâtière, planches disposées pour protégéer le corps (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Exemple de sépulture en bâtière, planches disposées pour protégéer le corps (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)

Un cimetière et un habitat au IXe et Xe siècle

La division de l’espace en deux parties, qui affectera le site jusqu’à l’époque contemporaine et qui paraît trouver son origine à la période précédente, est confirmée ici avec la mise en place d’un secteur d’habitat dans la moitié sud du terrain. Celui-ci apparaît très nettement le long de ce qui semble être un espace de circulation vierge de tout vestige et qui se maintiendra en partie jusqu’à aujourd’hui sous le nom de rue Saint-Paul.

Des vivants...

De cet habitat, on retiendra qu’il possède les caractéristiques des établissements ruraux avec des silos, caractéristiques du stockage des céréales, et du mobilier en lien avec l’activité de tissage. Toutefois, puits et latrines dénotent un certain confort, tout comme l’existence d’une toiture en tuiles ornée de modillons, acquise auprès des ateliers de Saran. La consommation de viande mise en évidence au travers de l’analyse des ossements animaux présents dans les dépotoirs, montre une proportion élevée de chèvres/moutons, complétée par des chevaux, de l’âne et du coq. Dans des latrines, d’abondants restes de poissons d’eau douce permettent d’illustrer une alimentation également tournée vers les produits de la pêche. Enfin, l’étude de la céramique révèle, outre une proportion élevée de poteries de qualité, celle anormalement importante de productions importées. On mentionnera à ce titre la présence rarissime d’un tesson de céramique type Tating, généralement rencontrée dans des contextes princiers du nord de l’Europe.

L’ensemble traduit une habitation de qualité, abritant un personnage probablement fortuné comme en témoigne également le fil d’or, retrouvé dans des latrines.

... et des morts

Dans la moitié nord du site, le secteur d’inhumation se densifie. Environ 150 tombes ont été observées. Les sépultures sont plus ou moins disposées en rangés suivant des axes légèrement différents pouvant recouvrir une certaine évolution chronologique. Toutefois, toutes celles-ci doivent se placer dans un laps de temps assez court en raison du peu de recoupements, et du mobilier qui, bien qu’en position résiduelle, est toujours daté des IXe et Xe siècles.

Les relations stratigraphiques observées entre ce secteur d’habitat et les sépultures indiquent que ce sont les sépultures qui recoupent dans tous les cas les structures d’habitat, suggérant une extension ou une progression du cimetière aux dépends de celles-ci.

Fosses et latrines du IXe-Xe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Fosses et latrines du IXe-Xe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)

Une nouvelle voirie, des puits d'extractions et l'église au XIe-XIIe siècle

Avant une transformation radicale du secteur, une phase de nivellement est soupçonnée. Là où les niveaux sont suffisamment bien conservés, nous avons pu observer des niveaux de sols préservés du tout début du XIe siècle au contact des niveaux antiques, indiquant de ce fait un fort terrassement.

Des carrières de calcaire

Par la suite, une activité d’extraction de matériaux calcaire se met en place sur la moitié nord-ouest du site en lieu et place du cimetière. L’extraction se fait par puits circulaires ou quadrangulaires donnant accès à des "caverons" ou à de petites salles, d’où est extrait un calcaire marneux servant dans la conception des sols ou en blocage dans les murs. Cette activité ne semble pas liée à un habitat de surface en l’absence d’autres creusements, que ce soit des silos ou des maçonneries.

Pourtant, celui-ci ne doit pas être bien loin puisque les comblements des fosses d’extraction renferment un mobilier domestique abondant et plutôt caractéristique d’une population urbaine, avec entre autre des tessons de céramiques très décorées et des épingles à tête en pâte de verre.

Les vestiges de la première église Saint-Paul ?

Plus au sud, une construction très mal conservé pourrait correspondre à la première église, autour de laquelle se concentrent quelques sépultures. Les datations fournies par les recoupements de ces dernières avec les maçonneries permettent d’envisager qu’il s’agit probablement de l’église mentionnée par le texte de 1002. De cet édifice, seules subsistent les fondations du chevet : trois murs épaulés à leur extrémité orientale par des contreforts placés dans leurs prolongements. Ils délimitent un espace rectangulaire de 24,5 m2. Les murs nord et sud se prolongeaient vers l’ouest. Ces maçonneries ont vraisemblablement été récupérées et leur emplacement repris pour la mise en place des fondations de l’église ultérieure.

Épingles en alliage cuivreux et à tête en pâte de verre retrouvées dans le comblement d'un puits de carrière (crédits : Pôle d'archéologie, 2012).
Épingles en alliage cuivreux et à tête en pâte de verre retrouvées dans le comblement d'un puits de carrière (crédits : Pôle d'archéologie, 2012).
Premier état supposé de l'église Saint-Paul (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Premier état supposé de l'église Saint-Paul (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Plan de l'état des constructions au XIIe-XIIIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Plan de l'état des constructions au XIIe-XIIIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)

La reconstruction de l'église Saint-Paul

À la fin du XIIe siècle ou au début du siècle suivant, l’église précédente est détruite pour être remplacée par un bâtiment plus vaste.

Les fondations du nouveau bâtiment se caractérisent par des maçonneries moins épaisses qu’auparavant installées dans de larges tranchées. Plusieurs éléments de sarcophages du haut Moyen Âge en calcaire oolithique sont remployés dans ces fondations. L’édifice, dépourvu de transept, s’achevait à l’est par une abside rectangulaire, vestiges conservés de l’édifice antérieur. Il reste impossible de préciser si cette abside est conservée en élévation ou si elle est reconstruite à l’aplomb des anciennes fondations. La nef, dont la largeur est désormais de 14,50 mètres, se divise en trois vaisseaux. Le vaisseau principal reprend l’emplacement de l’église antérieure et se prolonge à l’ouest. Il est doté de bas-côtés, larges d’environ 3,60 mètres, épaulés par des contreforts en prolongement des murs à l’est ; leurs murs gouttereaux sont également raidis par des contreforts au droit des piliers séparant les travées. Seule la dernière travée de la nef a été appréhendée sur la fouille. D’après les observations effectuées dans les années 1940-1950, la nef présentait une longueur de 25,50 mètres.

Il est probable que la nef de l’église ait été couverte de voûtes d’ogives comme le suggère quelques fragments de pierres taillées retrouvés en fouille. Ceux-ci s’ajoutent aux nombreux éléments retrouvés dans les années 1950 (clefs, claveaux, bases de piliers), dont le style est caractéristique de la fin du XIIe siècle. Le contexte stratigraphique indique que l’ensemble des maçonneries mises en œuvre lors de cette reconstruction est postérieur au XIe siècle. Certains éléments de poterie présents dans la tranchée de fondation du collatéral sud permettent d’envisager une datation du début du XIIIe siècle.

Chapiteaux du XIIe siècle de l'église Saint-Paul (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Chapiteaux du XIIe siècle de l'église Saint-Paul (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)

Urbanisation du quartier à la fin du XIIIe siècle

L'agrandissement de l'église

L’église subit un remaniement important visant à agrandir son chevet vers l’est. Les nouvelles fondations se localisent immédiatement à l’est de l’ancien chevet, et viennent border la rue du Cheval-Rouge dont elle fige définitivement la limite occidentale. À certains endroits, ces fondations sont dotées d’arcades permettant d'enjamber des structures anciennes. Le nouveau chœur présente un chevet plat raidis par des contreforts. Ses murs nord et sud viennent se raccorder à l'ouest à l'ancienne église. Les fondations montrent que le tracé du mur sud a fait l’objet d’un repentir : la jonction initialement prévue à l’angle de l’ancienne abside fut finalement décalée plus au sud à l’extrémité du mur gouttereau de la nef.

L'urbanisation médiévale

Comme dans d’autres secteurs du centre-ville, le parcellaire semble se fixer définitivement au cours du XIIIe siècle, comme en témoignent la mise en place de six salles basses excavées (ou celliers), situées à la base de maisons s’ouvrant sur la nouvelle rue du Cheval rouge. Dans la majorité des cas, les accès à ces salles basses excavées s’effectuent par un escalier droit perpendiculaire à la rue, à l’exception d’une qui comporte un escalier en vis. Leurs couvrements consistent toujours en des voûtes en berceau surbaissé.

Une cave au nord-ouest se distingue par sa position et son plan. Elle appartient à la maison dite de "l’Âne qui veille", établie en retrait de la rue et séparée de cette dernière par une cour. Desservie par un escalier axial à l’est, elle est couverte d'une voûte en berceau renforcé d'arcs doubleaux chanfreinés et est aéré par un grand soupirail à l’ouest. Ses murs nord et sud sont chacun percés de trois arcades chanfreinées donnant accès à des niches latérales, améliorant ainsi les capacités de stockage. On peut y voir la fonction particulière du bâtiment, en accord avec les dimensions et la morphologie de la cave.

À l'angle nord-est du site, la cave voûtée d’une autre habitation remarquable, dite "maison du Doreur", a été observée. Sa façade occidentale, connue par plusieurs documents réalisés lors de la destruction du bâtiment en 1940, comportait un parement en moyen appareil de calcaire de Beauce, élément rare qui caractérise quelques habitations cossues de la ville à la fin du XIIIe siècle ou au XIVe siècle.

Plan de l'état des constructions à la fin du XIIIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Plan de l'état des constructions à la fin du XIIIe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Cave de la maison de l'Âne qui veille, place du Cheval Rouge (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Cave de la maison de l'Âne qui veille, place du Cheval Rouge (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Vue de la maison du Doreur dans la première moitié du XXe siècle (coll. part. droits réservés)
Vue de la maison du Doreur dans la première moitié du XXe siècle (coll. part. droits réservés)
Sépulture multiple de la première moitié du XVe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Sépulture multiple de la première moitié du XVe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2012)
Etat des constructions au XVe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)
Etat des constructions au XVe siècle (crédits : Pôle d'archéologie, 2013)

L'occupation du XVe siècle

Des inhumations dans et autour de l'église dans la première moitié du XVe siècle

Des inhumations prennent place dans l’église, accompagnée de vases à encens, d’autres se trouvent dans la ruelle bordant l’église, au nord de son mur gouttereau. Une sépulture multiple composée de huit individus, avec des vases à encens, datés de la première moitié du XVe siècle, a notamment été mise au jour. L’inhumation de huits corps dans une même fosse est aujourd’hui inexpliquée. Néanmoins, la présence de vases à encens et de bijoux (telles que des bagues) invitent, pour l’instant, à s’interroger sur l’hypothèse d’une épidémie (où le passage à l’hôpital entraîne habituellement une récupération des objets personnels), ou sur celle d’individus morts lors d’un fait de guerre. 

La reconstruction de l'église dans la deuxième moitié du XVe siècle

L’église fait l’objet d’une dernière reconstruction de grande ampleur, probablement à partir des années 1470. Elle se caractérise par un élargissement de la nef dont les nouveaux murs sont positionnés en continuité de ceux du chœur, qui sont conservés. Le tracé du nouveau mur gouttereau sud, qui n’est par parallèle à l’ancien, va constituer la limite nord de la rue Saint-Paul qui perdura jusqu’en 1958. Quant au nouveau mur gouttereau nord, il est décalé d’environ 1,50 m par rapport à l’ancien mur.

La mise en place d’un nouveau voûtement dans la nef a entraîné la mise en place de supports s’appuyant en grande partie sur les fondations des piliers antérieurs. Pour cela, les constructeurs se sont assurés du bon état du réseau de fondations existantes à l’aide de tranchées d’observation ouvertes à la base de certains piliers, murs ou chaînages entre le vaisseau central et les bas-côtés.

L’étude des nombreux fragments de pierres taillées, ainsi que quelques documents d’archives, permettent de connaître les formes des voûtes d’ogives, des piliers et des baies de cette nouvelle église, qui relèvent alors du style « flamboyant ». Hormis plusieurs campagne de travaux au XVIIe siècle (reconstruction des voûtes et des baies du chevet, constructions du clocher en 1620-1627 et de la chapelle du Saint-Nom-de-Jésus actuellement Notre-Dame-des-Miracles en 1629, etc.) et l’édification d’une nouvelle façade au XIXe siècle, c’est cette église de la fin du XVe siècle qui perdura jusqu’à l’incendie de 1940.

À cette période se trouvent encore quelques sépultures inhumées le long de l’église.

On note la poursuite du lotissement du secteur avec une densification de l’habitat. À cette période on compte six caves avec des maisons à façades en pan-de-bois et des espaces de cour à l’arrière : disposition classique à l’époque que l’on retrouve dans le reste de la ville.

Exemple de bac de tanneur du XIXe siècle aménagé dans une des caves des maisons bordant l'ancienne rue du Cheval-Rouge (crédits : Pôle d'Archéologie, 2012)
Exemple de bac de tanneur du XIXe siècle aménagé dans une des caves des maisons bordant l'ancienne rue du Cheval-Rouge (crédits : Pôle d'Archéologie, 2012)

Le quartier à l'époque contemporaine

Le réalignement des façades au XIXe siècle

Cette période connaît les premiers plans de réalignement illustrés par le recul des façades des maisons. C’est probablement à cette occasion qu’est effectué le transfert des escaliers initialement ouvert sur la rue vers les cours. Un bac de tanneur du XIXe siècle découvert en fond de cave, atteste d’activité artisanale dans le quartier.

Le bombardement de juin 1940

Les bombardements de juin 1940 mettent un terme à l’occupation du site. Cet épisode tragique a laissé des traces importantes notamment en raison de l’incendie qui a suivi, puis des étapes de récupération et de nivellement de la place intervenant tardivement dans les années 1950 pour la construction de la place et des immeubles adjacents.

Vue de l'église Saint-Paul en 1941 après le bombardement de 1940 (AMO, 3Fi 1692)
Vue de l'église Saint-Paul en 1941 après le bombardement de 1940 (AMO, 3Fi 1692)
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