Le 19ème siècle et les prémices des infox archéologiques

Rumeurs, faux et canulars : aux origines des infox

La discipline archéologique s’est constituée bien avant l’ère du numérique, et les premières controverses n’ont pas attendu celle-ci pour éclater au grand jour. Au 19ème siècle, l’avènement d’une presse distribuée à grande échelle par des journaux peu coûteux et imprimés rapidement entraîne une diffusion fulgurante des informations sur des distances importantes. Les avancées technologiques dans le domaine du transport et des communications (télégramme, puis téléphone) permettent aux informations de se répandre de plus en plus vite et de plus en plus loin. En parallèle, la mise en place de l’école obligatoire entraîne une hausse du niveau d’alphabétisation des individus, pour qui la presse écrite devient plus accessible. Enfin, le développement des photographies qui accompagnent les articles a un double impact : il contribue à la fois à la popularité de ce premier média de masse et à la création d’un imaginaire fantasmé autour de certaines découvertes.

Reporters with various forms of fake news from an 1894 illustration by Frederick Burr Opper
Reporters with various forms of fake news from an 1894 illustration by Frederick Burr Opper

De manière concomitante, le 19ème siècle connaît une multiplication de chantiers archéologiques qui contribuent à définir la discipline et à lui accorder une popularité grandissante réunissant érudits, passionnés et curieux autour de la construction d’une histoire locale ou nationale. La théorie de l’évolution proposée par Charles Darwin en 1859 s’entremêle rapidement avec l’archéologie, et notamment avec les prémices des études préhistoriques qui génèrent de nombreux discours scientifiques emprunts de jugements moraux et religieux propres à la fin du 19ème siècle. L’idée selon laquelle différentes cultures se seraient succédées supplante progressivement dans les milieux scientifiques la thèse religieuse promue par l’Église catholique. Dans ce contexte de découvertes scientifiques inédites, canulars, erreurs scientifiques et désinformations font leurs premières apparitions à une échelle nationale.

Le géant de Cardiff : entre canular et fake news

En 1869, le squelette présumé d’un géant de 3 mètres est exhumé du terrain d’un fermier américain à Cardiff : pendant plusieurs mois, les visiteurs affluent par milliers autour de cette curiosité qui semble préfacer une découverte révolutionnaire concernant l’histoire de l’humanité (fig 1-1). Une exposition payante permet au public de découvrir le corps. Dans un premier temps, quelques hommes de lettres se laissent berner par la dépouille, assurant son authenticité et établissant un parallèle avec les géants mentionnés dans la Genèse. Mais progressivement, des doutes sont émis par des savants ; des géologues et des paléontologues décèlent la supercherie et multiplient les articles dénonciateurs. Le mystère est élucidé lorsque les deux hommes qui avaient « découvert » le géant avouent le caractère fallacieux de l’affaire : il ne s’agit que d’un canular qui a pris des proportions nationales et que ses auteurs ont entretenu pour percevoir des revenus faciles.

Cette histoire -qui n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres- semble relativement inoffensive : les auteurs de la farce se sont dénoncés, mettant un terme aux rumeurs circulant autour de cette hypothèse. Aujourd’hui, plus personne ne soutient l’authenticité du géant de Cardiff dès lors que la vérité se fait savoir ; tout au plus quelques badauds rendent encore visite à la fausse dépouille au musée de Fort Dodge, dans l’Iowa. Mais à mesure que la discipline archéologique va se faire connaître d’un public plus large, ce genre d’action s’intensifie, avec parfois des effets plus durables et problématiques. 

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