Le 20eme siècle et ses controverses archéologiques

L’archéologie au plus proche du citoyen

D’abord l’apanage des sociétés savantes et érudits, l’archéologie s’invite progressivement dans le quotidien des citoyens. La discipline s’intègre dans les milieux universitaires et scientifiques, puis finit par entrer directement en contact avec les individus non-initiés : en dehors des sites exceptionnels, des chantiers de construction urbains et ruraux confrontent le citoyen lambda à l’archéologie. Le public de passionnés ou curieux s’élargit à mesure que l’archéologie se professionnalise, et les premiers récits d’archéologie fantasmée se frayent une place dans cet imaginaire collectif. Les hypothèses débattues sortent des cercles scientifiques et sont présentées par le biais des journaux, émissions télévisées ou radiophoniques. Des débats de spécialistes tels que celui de la localisation d'Alésia, se transforment en sujet de société qui traversent les décennies et alimentent des discussions qui tournent aux querelles.

Des rumeurs fantastiques ont rapidement accompagné les découvertes archéologiques : de l’inconnu naît une forme de mystère, qui est plus facile et plus rapide à commercialiser que de longues années de recherches et d’incertitudes. Les premiers ouvrages mêlant récits fantastiques et archéologie font surface, donnant naissance à une multitude de courants d’une réalité alternative : réalisme scientifique, récentisme, astroarchéologie ou encore néo-évhémérisme. Parmi ces ouvrages, on peut notamment citer Chariots of the Gods. Unsolved Mysteries of the Past d’Erich von Däniken ou le Matin des magiciens de Jacques Bergier et Louis Pauwels, dont les thèses reposent sur l’alchimie ou l’existence d’êtres extra-terrestres ayant participé à la création de civilisations aujourd’hui disparues. Partant d’une littérature ésotérique parfois volontairement associée à des contes légendaires, ces écrits s’approprient ou développent petit à petit des controverses, se positionnant systématiquement contre les communautés scientifiques. Pourtant, les propos de ces auteurs témoignent de certaines contradictions : malgré l’incompatibilité de ses actions avec la recherche scientifique, l’auteur de récits pseudo-archéologiques Robert Charroux se présentait à la fois comme un archéologue et un chercheur de trésor. Il expose dans ses essais publiés aux éditions Robert Laffont la théorie des « anciens astronautes » et oriente son discours autour de ce qu’il considère être les mystères de l’humanité, se nourrissant de polémiques comme celle de l’affaire de Glozel.

L'affaire Glozel : une controverse sur plusieurs dizaines d'années

Cette dernière débute en 1924, lorsqu’un jeune agriculteur trouve sur ses terres des artefacts et ossements humains qui fascinent la population locale ; un médecin et archéologue amateur se lance dans des fouilles du terrain, mettant au jour de nombreux objets attribués à la période préhistorique. Parmi eux, des tablettes ornées de signes et d’inscriptions interrogent tout particulièrement : certains y voient la trace d’une écriture antérieure au cunéiforme, et propre à une civilisation locale jusqu’alors inconnue. La question de la datation des vestiges fait débat, certains y voyant une révolution historique, tandis que d’autres soupçonnent une supercherie. L’affaire prend des proportions importantes et passe devant les tribunaux : un parti accuse l’autre d’escroquerie, qui rétorque en poursuivant le premier pour diffamation. Plusieurs spécialistes et préhistoriens estiment qu’il s’agit d’une fraude : pendant un temps l’affaire retombe, jusqu’à la réouverture du dossier en 1982. L’État engage alors des fouilles dont Jean Guilaine, néolithicien de renom, prend la direction. L’aboutissement des recherches donne tort aux défenseurs du site : les datations en thermoluminescence, l’analyse des vestiges et des couches stratigraphiques indiquent qu’il s’agit de vestiges d’un atelier de verrier médiéval agrémentés d’artefacts plus anciens et de quelques dupes. Certaines personnalités, telles que Robert Charroux, s’opposent à ces résultats et continuent de clamer l’authenticité des trouvailles.

Désormais identifiés en tant que tels, les vestiges archéologiques découverts par des citoyens lambdas génèrent spéculations et mystères. Pour les adeptes de l’occultisme, ces trouvailles constituent une manne qui permette de justifier leurs propos. Ce type de discours, véhiculé par des ouvrages facilement accessibles, ancre dans l’esprit d’un public non initié des idées reçues qui vont se nourrir progressivement de tout nouveau contenu pseudo-archéologique. Ces derniers sont notamment partagés par la presse : au sein des récits de fraudes archéologiques ou d’informations fallacieuses évoqués précédemment, la dimension médiatique est à prendre en compte pour mesurer l’ampleur de leur diffusion. D’abord cantonnées à une échelle locale, attirant amateurs et curieux, ces rumeurs dépassent le bouche-à-oreille et atteignent les instances institutionnelles grâce à la visibilité qui leur est accordée dans les sphères médiatiques, les élevant au rang de fake news.

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