Les réflexes à adopter pour faire face aux fakes news

Pour lutter contre les infox, il faut savoir les identifier. Voici quelques conseils qui vous permettront de débusquer des informations problématiques :

  • Garder un œil attentif au champ lexical employé : tout ce qui relève du pathos, de l’émotionnel ou du grandiloquent n’est généralement pas signe d’objectivité. Se méfier également de l’emploi des pronoms personnels « je » et « nous » qui ont tendance à créer un rapprochement entre le lecteur et l’auteur de l’information, ou à l’inverse « ils » qui peut servir à créer une opposition manichéenne envers un groupe de personnes.

  • Se méfier des jugements de valeur émis ainsi que des opinions très tranchés et des formules évoquant l’évidence (« inutile de préciser que », « tout le monde sait que », « c’est bien connu que »).

  • Prêtez attention aux images et vidéos associées au contenu : image générée par intelligence artificielle, photo de très mauvaise qualité laissant planer un doute quant aux éléments représentés, vidéo avec des plans flous ou des images provenant de photothèques. Les photomontages, images retouchées ou générées artificiellement pullulent et se propagent très rapidement ; pratiquez la recherche par image (clic droit sur une image, puis option Google Lens) afin d’essayer de retrouver son origine, ou le type de sites sur lesquels elle a été partagée.

  • Vérifier les sources : d’où proviennent les informations ? L’article possède t-il des références (bibliographie, interview, études) ? Dans la mesure du possible, essayez de remonter à la source originelle de l’information : d’où provient-elle ?

  • Attachez une grande importance à l’auteur de l’information : qui est-ce ? Un.e journaliste, un.e spécialiste, à quelle institution est-il ou elle rattaché.e ? Quel est son parcours ou sa légitimité à discuter d’un sujet ? Parfois, de faux comptes peuvent véhiculer des informations douteuses : restez attentif au type de contenu partagé par l’auteur de l’information.

  • Sur quelle plateforme l’information est-elle diffusée, et s’agit-il de la plateforme où l’information est apparue en premier ? Dans la mesure du possible, tentez de vous renseignez sur le site que vous visitez : une simple recherche google peut vous apprendre beaucoup (à qui appartient le site, quelle est la ligne éditoriale). Certains sites ou comptes de réseaux sociaux sont parodiques et vont volontairement diffuser de fausses informations (le Gorafi, Pediavenir, etc.). Consultez les pages qui concernent l’équipe de rédaction du site internet, ou son origine (rubrique « à propos »/ « qui sommes-nous ») : s’il n’y en a pas, ou qu’elle est très évasive, redoublez de prudence.

  • De quand date l’information : il y a-t-il un décalage entre le moment où l’information relatée s’est déroulée et le moment où elle est relatée ?

  • Dans la mesure du possible, essayez de croiser des sources : effectuez une seconde recherche sur des moteurs de recherche fiables avec les mêmes mots-clés. S’il y a peu de résultats, ou que les résultats semblent être absolument identiques à ce que vous venez de voir ou lire, il peut s’agir d’une information qui a tout simplement été copié/collé et rediffusée en l’état, et donc sans doute non vérifiée.

  • Partir du principe qu’une information révolutionnaire ou une découverte remettant en question toutes les connaissances acquises jusque-là est fausse jusqu’à preuve du contraire.

  • Lisez l’intégralité de l’article, regardez l’intégralité du documentaire et ne vous arrêtez pas au titre : généralement, ces derniers se doivent d’attirer l’attention d’un potentiel spectateur ou lecteur.

Plus spécifiquement, en archéologie :

  • Renseignez-vous auprès des institutions reconnues dans leur domaine : CNRS, Collège de France, site des services archéologiques et opérateurs privés... Bien souvent, ces nombreux acteurs sont également présents sur les réseaux sociaux. Certains influenceurs, tels que Nota Bene, sont reconnus par la communauté scientifique pour leur contenu pédagogique et collaborent même avec des acteurs archéologiques.

  • Méfiez-vous des sujets sensationnels qui ponctuent les fakes news régulièrement : les pyramides égyptiennes, les géants dans les déserts du Sahara ou d’Arabie Saoudite, les ossements les plus anciens du monde, Stonehenge, les civilisations fantastiques telles qu’Atlantide, les lignes de Nazca…

  • À nouveau, prenez garde au vocabulaire utilisé : « trésor », « mystère », « secret », « vérité », « coïncidence » et autres termes du même type peuvent être employés occasionnellement, mais ne composeront jamais la majorité d’un discours scientifique. De même, le champ lexical de la peur et de la colère accompagne souvent un contenu sensationnaliste, qui a pour but de faire réagir le spectateur : « c’est effrayant », « inquiétant », etc.

  • Prenez du recul quant à l’information transmise : bien souvent, la recherche scientifique repose sur des hypothèses et non des assertions. Une discussion doit pouvoir exister autour d’une découverte, le débat doit rester ouvert. L’avis d’un seul spécialiste ne peut pas faire foi : c’est le principe du peer reviewed, l’évaluation d’un contenu scientifique par les pairs. L’activité scientifique est rarement le fait d’un seul individu ; il s’agit de recherches collectives. Un chercheur est généralement associé à un laboratoire, une équipe ou un service : c’est ce qui permet notamment un certain encadrement de la recherche, et lui assure une légitimité.

  • Identifiez les éléments typiques d’un discours complotiste : opposition avec un groupe d’individus avec un dessein néfaste mais inconnu (« l’archéologie officielle »), évocation d’un mensonge ou d’un discours tenu pour tenir le grand public dans l’ignorance, absence de remise en cause.

  • Portez une attention toute particulière à la source des informations : les formulations floues et générales n’ont aucune valeur scientifique ! Méfiez-vous d’un contenu qui balayerait d’un revers de la main l’ensemble des connaissances sur un sujet, écartant parfois des décennies de recherche pour révéler une information nouvelle mais ignorée par tous les spécialistes. Une étude scientifique doit s’appuyer sur une multitude de sources ; l’auteur d’une information ne peut pas se reposer uniquement sur un contenu qu’il a lui-même produit précédemment, ou sur d’autres sources qui ne sont pas accessibles et ne peuvent pas être vérifiées (articles non publiés, bouche à oreille, etc.).

  • Soyez attentifs au discours qui accompagne l’information : si elle est utilisée pour appuyer un discours religieux, politique ou social, il y a de grandes chances qu’elle soit fausse ou détournée de son contexte.

  • Questionnez-vous sur le fait qui sert de base à l’argumentaire : une coïncidence ne peut pas servir de preuve tangible à un raisonnement scientifique.

  • Attention aux conclusions hâtives : certains sujets peuvent prendre de nombreuses années avant d’être compris. Suiviez les actualités des chercheurs en charge des études qui vous intéressent : bien souvent, des conférences, des articles ou des événements sont proposés pour faire l’état des lieux de la recherche. Le questionnement est légitime, mais la réflexion scientifique prend du temps, car elle se doit d’être exhaustive : le doute ne constitue pas une preuve. Et inversement, l’absence de preuves ne constitue pas une preuve.

  • Faire la distinction entre corrélation et causalité : deux éléments peuvent être vrais indépendamment l’un de l’autre.

Étude de cas

Examinons ensemble un exemple très typique de fake news archéologique :

Cet article présente une prétendue découverte de statues dans le désert d’Arabie, voici une transcription du texte :

En septembre 2025, une découverte archéologique clandestine a bouleversé les connaissances établies sur l’histoire ancienne de la péninsule arabique. Des statues colossales, englouties sous les sables du désert, ont été mises à jour, remettant en question les récits historiques traditionnels.

Découverte fortuite dans le désert d’Arabie

L’affaire a éclaté lorsque des images satellites ont révélé des anomalies sous le sable dans une région isolée du désert. Malgré l’interdiction formelle de fouilles dans cette zone sensible, un groupe d’archéologues locaux, mené par le Dr. Sami Al-Faraj, a décidé de prendre le risque d’explorer le site. « Nous savions que ce que nous faisions était interdit, mais la curiosité scientifique était trop forte », confie Dr. Al-Faraj.

Les trésors révélés

Leur persévérance a été récompensée par la découverte de plusieurs statues de taille monumentale, représentant des figures humanoïdes portant des inscriptions jusqu’alors inconnues. Ces sculptures pourraient dater de plus de 3000 ans avant notre ère, suggérant l’existence d’une civilisation avancée et jusqu’alors inconnue dans cette partie du monde.

Impact sur l’histoire officielle

Les implications de cette découverte sont considérables. Les statues suggèrent non seulement un niveau de sophistication artistique et technique inattendu, mais aussi des échanges culturels possibles avec d’autres civilisations de l’époque. «Cela change tout ce que nous pensions savoir sur les peuples anciens de l’Arabie», explique le Dr. Al-Faraj.

Une histoire personnelle touchante

Au cœur de cette équipe audacieuse se trouve Amina Al-Hazred, une jeune archéologue dont le grand-père avait toujours raconté des histoires de « géants de pierre » cachés sous le sable. Inspirée par ces récits, Amina a rejoint l’équipe du Dr. Al-Faraj, convaincue de la véracité des légendes familiales. « Quand nous avons dégagé le premier visage de la statue, j’ai su que nous avions trouvé la preuve que les histoires de mon grand-père étaient vraies », partage Amina avec émotion. Sa détermination a été essentielle dans la poursuite des fouilles malgré les risques légaux et physiques encourus.

Conséquences et perspectives

La découverte a suscité un vif débat dans la communauté archéologique et au-delà. Des appels à une protection accrue du site et à des fouilles officielles et réglementées ont été lancés, dans l’espoir de préserver et d’étudier plus avant ces artefacts précieux.

Sensibilisation à l’importance du patrimoine culturel

  • Renforcement des lois sur la protection des sites archéologiques

  • Promotion des recherches interdisciplinaires pour une meilleure compréhension de l’histoire ancienne

  • Cette découverte pourrait également booster le tourisme dans la région, offrant une nouvelle source de revenus pour les communautés locales tout en mettant en lumière leur riche héritage culturel.

Enfin, le cas soulève des questions sur la gestion des sites archéologiques et la balance entre la préservation du patrimoine et la recherche scientifique. Les défis à venir incluent la protection du site contre les pillages et la mise en place de méthodologies de fouille qui respectent à la fois les découvertes et l’environnement fragile du désert.

La révélation de ces statues colossales ouvre donc non seulement un nouveau chapitre de l’histoire, mais pose aussi des défis cruciaux pour la conservation et l’étude de notre passé commun.

En quelques lignes, cet article regroupe un ensemble d’éléments tout à fait caractéristique des fake news :

On retrouve, dès le titre, la mention d’une « histoire officielle » et de statues de géants : ces deux éléments sont à eux seuls suffisants pour mettre en garde tout lecteur aguerri. En complément, l’image illustrant le texte n’est pas une photo, mais une illustration générée par intelligence artificielle : elle n’a donc aucune valeur scientifique, et contribue au contraire à discréditer le texte. Enfin, aucune institution archéologique ou équipe de chercheurs n’est mentionnée, l’auteur de l’article n’est à première vue pas indiqué (« nos auteurs » est un lien ne renvoyant sur aucun profil), et la localisation de la découverte n’est elle-même pas très claire : rappelons que le désert d’Arabie couvre neuf pays et 2 330 000 km². Des guillemets sont ouverts pour préciser que « l’Histoire officielle s’est trompée », mais l’auteur de cette citation est inconnu.

La suite du texte s’inscrit quasiment immédiatement dans la sphère complotiste : « une découverte archéologique clandestine » suggère que des fouilles –si tant qu’elles se soient réellement produites !- se situent en marge des réseaux institutionnels et légaux, et qu’elles ont « bouleversé les connaissances établies ». La « persévérance » des archéologues va de pair avec leur courage puisqu’ils ont décidé de « prendre le risque d’explorer le site » en dépit de « l’interdiction formelle de fouilles dans cette zone sensible » : l’acte clandestin est érigé en symbole positif amenant à une récompense (la découverte du site), tandis qu’un air de mystère plane autour de « l’affaire » et de potentiels « risques légaux et physiques ». Les éléments lexicaux de la chasse au trésor, de l’aventure et de la conspiration sont éparpillés à travers le texte, avec un air de film hollywoodien, tandis qu’un lecteur aguerri -s’il décide de croire en la véracité de cette histoire !- s’interrogera sur ce qui différence ces « archéologues » de pilleurs.

On note une remise en question de « l’histoire ancienne » de la région, sans pour autant que les thématiques soient présentées : histoire religieuse, militaire, architecturale, funéraire, politique ? Tout ce qui compte, c’est que cette découverte est en opposition avec « les récits historiques traditionnels », qui ne font l’objet d’aucun développement. La découverte en elle-même consiste en des statues colossales, mais qui elles-mêmes ne sont pas davantage détaillées : de quels matériaux sont-elles constituées ? Quels sont les moyens de datation employés pour déterminer qu’elles datent de « plus de 3000 ans avant notre ère » ? Qu’est ce qui permet de qualifier les figures d’humanoïdes, et quelles sont les spécificités des fameuses inscriptions « jusqu’alors inconnues » ? Quels éléments suggèrent que ces statues aient requis un « un niveau de sophistication artistique et technique inattendu » ou encore qu’elles soient le fruit « des échanges culturels possibles avec d’autres civilisations de l’époque » ? Comme c’est souvent le cas, la découverte est révolutionnaire et vient balayer l’ensemble des connaissances jusqu’alors établies…

Par ailleurs, les deux personnages mentionnés dans l’article ne semblent pas exister : après quelques recherches, aucun individu ne semble correspondre au profil mentionné, tandis que qu’il s’agit du seul article évoquant cette fameuse découverte. Aucune trace en ligne du « vif débat dans la communauté archéologique et au-delà ». Pourtant, l’article insiste sur l’importance des artefacts mis au jour ; d’aucuns pourraient penser qu’un déferlement médiatique couvrirait la découverte d’une nouvelle civilisation… L’auteur n’est jamais mentionné, et la section concernant la politique de rédaction du site évoque la qualité d’un texte généré par des plateformes d’intelligence artificielle.

Enfin, la découverte de ces vestiges, bien que « fortuite » s’entremêle avec un récit individuel douteux, à base de « légendes familiales ». Mêlant pathos, aventure, et trésors, l’histoire semble tout droit sortie d’un feuilleton romancé.

En naviguant le site Amios, un article similaire est publié le 15 août 2025, soit la veille de celui-ci : « Égypte : une statue colossale intacte retrouvée “elle semblait nous défier du regard” ». Sans surprises, certains éléments sont comparables à l’article présenté ici-même. Une découverte incroyable dont un autre grand-père aurait eu vent il y a plusieurs années permettrait d’éclairer cette fois-ci l’histoire égyptienne. Les mêmes éléments de conclusion sont évoqués : planification de fouilles ultérieures (incitant le lecteur à revenir sur le site régulièrement pour en savoir plus), implications économiques et touristiques (notons avec scepticisme cette possibilité concernant le désert d’Arabie, qui constitue un enjeu géopolitique majeur dans des conflits armés) et sensibilisation au patrimoine (par le biais d’articles similaires ?). Au jour de la publication de cet article, en novembre 2025, le site Amios.fr semble désactivé.

Si cet article est à la quasi limite de la caricature des fake news, il permet de présenter les éléments récurrents des récits de désinformations, à la lisière des discours complotistes. En revanche, certains contenus peuvent être plus subtils dans leurs méthodes : sans viser l’exhaustivité de la démarche du debunkage, apprenez à repérer certains points de vigilance.

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