De l'enceinte antique à l'Hôtel Dupanloup
De l'enceinte antique à l'Hôtel Dupanloup
En 2012, les travaux de réhabilitation et de restauration de l’ancien Évêché, dit Hôtel Dupanloup, ont permis au service archéologique d’observer les vestiges de l’enceinte antique de la ville, vieille de 1600 ans, détruite ou intégrée au bâti lors de l’édification de la demeure épiscopale au milieu du XVIIe siècle.
L'enceinte antique d'Orléans
Sa construction et sa datation
L’enceinte antique est érigée durant la seconde moitié du IVe siècle alors que l’occident romain perd une partie de sa stabilité politique et économique. Son rôle est clairement défensif, même si l’enceinte présente également une forte fonction symbolique liée à l’affirmation de pouvoirs politiques locaux, notamment celle d’un pouvoir municipal renforcé par l’accession de la ville au statut de chef-lieu de cité. L’agglomération d’Orléans n’est pas la seule à entreprendre cette démarche défensive : plusieurs villes de Gaule se dotent d’une enceinte à la même période comme Tours, Paris, Angers, Le Mans etc.
La datation supposée de la constuction de l’enceinte antique repose sur quelques observations issues des fouilles du Mail Pothier (à l’emplacement de la tour Sainte-Croix, à proximité du transept nord de la cathédrale). Quelques datations par archéomagnétisme ont été effectuées sur des briques de l’enceinte : les résultats convergent vers une fourchette de datation comprise entre les années 325 et 490.
Son tracé et la forme de son emprise
L’enceinte antique possède un plan de forme quadrangulaire, longeant la Loire et englobant une surface d’environ 25 ha. Seule une porte est archéologiquement attestée (porte Parisie au nord, sur l’axe du cardo maximus), mais les deux portes est et ouest situées sur l’axe du decumanus maximus existent très probablement dès l’époque antique.
Des tours circulaires de 8 m de diamètre viennent renforcer l’enceinte à espace régulier, environ tous les 55 m. Cinq sont assurément d’origine antique, toutes situées sur les flancs est et nord de l’enceinte (tour Blanche, tour du Champ-Égron, tour du Plaidoyer-l’Évêque, tour Sainte-Croix et tour Saint-Samson). D’autres tours du même type sont attestées à la période médiévale mais leur origine antique n’est pas assurée. Ces dernières respectent néanmoins le plan, les dimensions et l’espacement des tours antiques. Sur le tracé de la courtine, les tours débordent vers l’extérieur de plus de 4 m. Elles ne sont donc pas centrées sur l’axe médian de la courtine, mais désaxées vers l’extérieur. Une petite portion des tours se détachent néanmoins des courtines côté interne (bel exemple sur la tour Blanche, rue Saint-Flou).
Les murs et les tours sont, en outre, doublés d’un fossé, large de 10 m et profond de 3,5 m, ménageant une lice de 8 m de largeur. Le mur de courtine a une largeur comprise entre 2,5 m et 4 m, pour une hauteur supposée d’une dizaine de mètres.
La mise en œuvre de l’enceinte
L’enceinte antique, dont divers tronçons ont été observés lors de fouilles ces dernières décennies, présente une cohérence de mise en oeuvre, typique des enceintes urbaines de la fin de l’Antiquité. Les fondations sont constituées d’un blocage de tout-venant lié au mortier de chaux, incluant souvent des blocs sculptés en remploi. Sur le tronçon sud, à proximité de la Loire, où la déclivité du terrain est la plus importante et le sol moins stable, de nombreux blocs en grand appareil , provenant de monuments ou d’édifices publics, y sont remployés et forment une large et épaisse semelle de fondation. On observe en parement externe, généralement, une alternance régulière de trois assises de briques et de trois assises de petits moellons équarris en calcaire de Beauce. Ce parement, probablement non recouvert d’un enduit, présente ainsi un rythme et une polychromie de ces matériaux, renforcée par l’utilisation de joints de mortier rosé ou rouge. Plusieurs dizaines de trous de boulins ont été repérés, aussi bien sur les courtines que sur les tours, mais toujours sur les parements internes.
Les vestiges de l'enceinte
La courtine
Les terrassements du rez-de-chaussée de l’Hôtel Dupanloup ont mis au jour, sous les parquets et dallages de l’édifice du XVIIe siècle, un tronçon du mur de courtine de l’enceinte, dégagé sur une longueur totale de 45 m et mesurant 2,9 m d’épaisseur.
Si le parement nord d’origine est bien conservé (alternance entre rangs de briques et de moellons), celui du sud a probablement fait l’objet de récupération de matériaux lors du démantèlement de l’enceinte.
Un aménagement inédit
Au coeur du mur de courtine, une partie de la maçonnerie du blocage a été disposée de manière à former un bombement, dont la surface est enduite. Ce dispositif pourrait correspondre à une interruption volontaire du chantier de construction. Il évite ainsi la stagnation de l’eau de pluie, notamment en hiver, qui pourrait détériorer la maçonnerie encore inachevée (infiltrations ou gel). Un tel aménagement, inédit sur l’enceinte antique d’Orléans, prouve que le chantier s’est déroulé sur une longue période, plusieurs années ou décennies, avec des interruptions sans doute liées à des problèmes d’approvisionnement ou de financement.
Les tours de l'enceinte
La tour du Plaidoyer-l’Évêque
L’ancien Évêché a été construit sur l’emprise de la courtine antique mais aussi sur celle de deux tours. Dans la partie ouest du bâtiment se trouvent les vestiges de la tour, dite du Plaidoyer-l’Évêque dans les sources médiévales, qui a été partiellement observée lors de travaux en 1966. La fouille effectuée en 2012 lors de la restauration du bâtiment a permis de confirmer l’origine antique de cette tour avec, comme pour la courtine, des parements alternant assises de briques et petits moellons.
La tour de la Fauconnerie
À l’opposé du bâtiment, à l’est, se situait la tour d’angle nord-est de l’enceinte antique. Cette tour est mentionnée comme tour de la Fauconnerie dans les textes médiévaux. Elle n’est plus visible mais pourrait être conservée sous le sol d’une courette située à l’arrière du bâtiment. Cet emplacement est aujourd’hui encore signalé par une plaque apposée en 1727, lors de la construction d’annexes de l’ancien Évêché, en limite de l’actuel Centre d’Étude et de Recherche sur les Camps d’Internement dans le Loiret (CERCIL).
Les réaménagements de l'enceinte à l'époque médiévale
L’enceinte antique sera conservée et entretenue durant tout le Moyen Âge. Ces différents vestiges témoignent d’une grande campagne d’entretien et de renforcement des défenses de la ville probablement liée à la guerre de Cent Ans et dont on trouve mention dans les textes du début du XVe siècle (comptes de forteresse), quelques années avant le siège de 1429.
À la fin de l’époque médiévale, la tour du Plaidoyer-l’Évêque a ainsi été profondément remaniée par la mise en place d’un nouveau parement extérieur réalisé en moyen appareil de calcaire de Beauce ainsi que par le percement d’archères destinées à défendre les fossés. Ces aménagements sont proches de ceux d’autres ouvrages défensifs connus à Orléans et vraisemblablement réalisés entre la fin du XIIIe et le début du XVe siècle : archères de la tour Blanche, parements liés à une reprise de l’enceinte antique comme à la tour Sainte-Croix ou parements d’ouvrages de l’enceinte du XIVe siècle (comme la porte Bannier).
Le devenir du site après le démantèlement de l'enceinte au XVIe siècle
Comme d’autres ouvrages défensifs de ce type, l’enceinte antique a subi au fil des siècles de multiples ajouts, remaniements, reconstructions et réaménagements jusqu’à son abandon définitif suite à l’édification de la nouvelle enceinte du début du XVIe siècle (entre 1486 et 1556), à l’emplacement des boulevards actuels. Au final, cette fortification aura assuré la protection des Orléanais pendant plus d’un millénaire. L’enceinte antique n’a cependant pas disparu du paysage urbain ; son tracé s’est fossilisé dans le parcellaire ancien, notamment le tronçon oriental clairement visible sur le cadastre actuel, entre la rue du Bourdon-Blanc et la rue Saint-Etienne.
Sur le site de l’Hôtel Dupanloup, l’ancien système défensif, notamment l’emprise des fossés, laisse place, dans la seconde moitié du XVIe siècle, au lotissement de demeures et hôtels particuliers. Un d’entre eux sera intégré au projet d’aménagement de la nouvelle résidence épiscopale, dont la construction s’étalera en plusieurs phases entre 1635 et 1740.