Etude du bâti, 10 rue du Boeuf Sainte-Croix

Façade après restauration du 10 rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015)
Façade après restauration du 10 rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015)

Etude du bâti, 10 rue du Boeuf Sainte-Croix

Située entre le quartier cathédrale d’Orléans et la rue de Bourgogne, l’habitation n° 10 rue du Bœuf-Sainte-Croix / n° 11 rue Pothier résulte d’un regroupement de plusieurs propriétés. Elle comporte notamment deux bâtiments ouvrant sur la rue Bœuf-Sainte-Croix, correspondant initialement à deux maisons distinctes, ainsi qu’une troisième habitation à l’est donnant sur la rue Pothier.

L’étude archéologique du bâti, qui s’est déroulée en octobre 2014, porte sur la façade rue du Bœuf-Sainte-Croix du bâtiment sud (voir plan ci-dessous, en A). Dans le cadre du ravalement de cette façade, la pose d’un échafaudage et la dépose de l’enduit qui la recouvrait ont permis la réalisation d’un relevé manuel, de petits sondages dans le mur et l’établissement d’un enregistrement stratigraphique. Cette étude a pu être complétée par une observation des espaces intérieurs : cour, cave, rez-de-chaussée, étages et comble. En outre, les divers regroupements ou divisions de propriété ayant affecté la maison étudiée ont conduit à effectuer également des observations sur les élévations des habitations voisines mitoyennes.

Plan des corps de bâtiments de la maison n° 10 rue du Boeuf-Sainte-Croix / 11 rue Pothier (crédits : Pôle d'archéologie, 2015)
Plan des corps de bâtiments de la maison n° 10 rue du Boeuf-Sainte-Croix / 11 rue Pothier (crédits : Pôle d'archéologie, 2015)

Une maison très modifiée au cours du temps

La maison étudiée (en rouge sur le plan) se compose aujourd’hui d’un regroupement de plusieurs anciennes habitations. Deux bâtiments jointifs (A et B) donnent à l’ouest sur la rue du Bœuf-Sainte-Croix. C’est la façade de celui du sud (B) qui a fait l’objet de l’étude archéologique du bâti. Le bâtiment nord (A), quant à lui, comporte une cave médiévale (XIIIe – XIVe siècle), dont une pièce s’étend sous la cour (C). Vers 1500, ce bâtiment nord (B) dépendait de la propriété voisine, au n° 3 rue Etienne-Dolet, correspondant à un vaste hôtel particulier dont les nombreux corps de bâtiments s’organisent autour d’une cour. C’est entre 1779 et 1823 que la maison n° 10 rue du Bœuf-Sainte-Croix est agrandie par le regroupement de propriété avec la maison voisine à l’est, n° 11 rue Pothier. Cette dernière se compose d’un corps de bâtiment en front de rue (D) suivie d’une cour (F) dont le fond est occupé par un petit corps de bâtiment (E).

La maison médiévale

L’occupation médiévale du site (phase 1) est attestée par la présence d’une cave située sous une partie du bâtiment nord (B). Sa construction daterait du XIIIe ou du XIVe siècle. La salle quadrangulaire, couverte d’une voûte en berceau, comporte des murs en moellons de calcaire de Beauce et comportant quelques remplois de terre cuites architecturales antiques.

Le bâtiment sud (A) est également occupé par une habitation, à priori dépourvue de cave, dont subsiste le mur pignon nord qui comportait une cheminée au rez-de-chaussée (fin XIIIe – XVe siècle). Son mur pignon sud, mitoyen avec la maison voisine n° 8 rue du Bœuf-Sainte-Croix, a été reconstruit vers 1485 (phase 2).

Le bâtiment sud (A), correspondant à la maison étudiée, est reconstruit vers 1515 (phase 3), avec un rez-de-chaussée et deux étages couverts de plafonds, ainsi que d’un comble à surcroît dont subsiste la charpente à pannes. Sa façade, édifiée à l’aplomb avec doubles sablières, comporte une ossature en chêne à panneaux de croix de Saint-André pour les étages. Le hourdis était formé de briquettes apparentes séparées par des joints saillants. Le rez-de-chaussée était ouvert à son extrémité sud par une porte desservant un couloir, une cour et un escalier en vis dans-œuvre, dont subsiste une partie du noyau et des marches. Le rez-de-chaussée de cette façade était également doté de plusieurs jours, ainsi que d’une probable fenêtre, contrairement à la plupart des maisons de cette époque qui possèdent plutôt une devanture de boutique.

À cette époque (1ère moitié du XVIe siècle), le bâtiment nord (B) semble former une dépendance de la propriété voisine située à l’angle nord-ouest de l’îlot (n° 3 rue Etienne-Dolet), s’apparentant à un hôtel particulier. Le mur gouttereau du bâtiment nord (B) n° 10 rue du Bœuf-Sainte-Croix comporte des vestiges de fenêtres en pierre à meneau et à traverse (croisée), en partie murées, et de portes ouvrant dans la cour du n° 3 rue Etienne-Dolet. Ces ouvertures sont caractéristiques du début du XVIe siècle. À gauche de la photo, le bâtiment oriental donnant sur la cour de l’hôtel particulier n° 3 rue Etienne-Dolet possède également d’anciennes fenêtres à meneau et  traverse (croisées), au nombre de deux par niveau, datant du milieu du XVIe siècle.

Vue de détail du mur sud de la cave médiévale, avec remploi de tuiles à rebord antiques (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Vue de détail du mur sud de la cave médiévale, avec remploi de tuiles à rebord antiques (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Vue d'une marque d'assemblage gravée sur une pièce de bois de la façade rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Vue d'une marque d'assemblage gravée sur une pièce de bois de la façade rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).

Hourdis de brique au niveau du comble de la façade en pan de bois, rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Hourdis de brique au niveau du comble de la façade en pan de bois, rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Vue des marches et du noyau de l'escalier en vis du bâtiment sud (A) n° 10 rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Vue des marches et du noyau de l'escalier en vis du bâtiment sud (A) n° 10 rue du Boeuf-Sainte-Croix (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Vue de la façade du bâtiment nord (à droite) ouvrant sur la cour de l'ancien hôtel particulier n° 3 rue Etienne-Dolet, l'hôtel particulier (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Vue de la façade du bâtiment nord (à droite) ouvrant sur la cour de l'ancien hôtel particulier n° 3 rue Etienne-Dolet, l'hôtel particulier (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Relevé en élévation de la façade du bâtiment sud (A) montrant les restitutions des différentes phases (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Relevé en élévation de la façade du bâtiment sud (A) montrant les restitutions des différentes phases (crédits : Pôle d'archéologie, 2015).
Extrait du plan de Fleury, « Figure de la ville d'Orléans ou sont toutes les paroisses séparées de lignes rouges », 1640 (Médiathèque d'Orléans).
Extrait du plan de Fleury, « Figure de la ville d'Orléans ou sont toutes les paroisses séparées de lignes rouges », 1640 (Médiathèque d'Orléans).

Les remaniements de la période moderne

La maison n° 10 rue du Bœuf-Sainte-Croix se situe à 120 m au sud de la cathédrale, près de la limite méri­dionale supposée de l’ancien quartier canonial. Sur le plan de Fleury, réalisé en 1640, la maison (localisée par un point rouge) se trouvait dans la paroisse Bonnes-Nouvelles. Au Moyen Âge, le cou­vent de Bonnes-Nouvelles se dressait au sud de la rue de Bourgogne, à l’emplacement de l’actuelle Préfecture. Ce couvent serait mentionné vers 800 avant de devenir un chapitre collégial puis un prieuré et de subir une importante reconstruction dans la seconde moitié du XVIIe  siècle sous l’impulsion des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur.

En 1779, la maison n° 10 rue du Bœuf-Sainte-Croix appartenait aux "Dames de Saint-Loup" (abbaye de Saint-Loup-lez-Orléans) et dépen­dait de la censive des Bénédictins de Notre-Dame-de-Bonnes-Nouvelles. À cette date, la maison n’était pas encore regroupée avec l’habitation orientale don­nant sur la rue de l’Ecrivenrie, actuelle rue Pothier, qui formait une propriété distincte.

Comme cela a été souvent observé à Orléans, la façade du bâtiment sud a subi plusieurs remaniements successifs entre le XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle (phases 4 à 5) : mise au goût du jour du traitement des pièces de bois (couleur rouge foncé) et du hourdis, modifications des fenêtres de l’étage (agrandissements, nouvelles menuiseries, création d’une nouvelle ouverture), reconstruction d’une partie du rez-de-chaussée en pan de bois. Avant 1779, les deux bâtiments furent réunis au sein d’une même propriété.

À la fin du XVIIIe siècle ou au début du siècle suivant (phase 6), le rez-de-chaussée de la façade (A) fut reconstruit en maçonnerie et doté d’une fenêtre unique. La maison voisine n° 11 rue Pothier est alors rattachée à la propriété qui appartient en 1779 aux Dames de Saint-Loup et dépend de la censive du couvent de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle. C’est au XIXe siècle (phase 7) que les étages de la façade font l’objet de nombreuses modifications : comblement des jours et création de baies secondaires au sud ; reconstruction de la lucarne. L’ensemble de la paroi est alors masqué par un enduit au plâtre. Celui-ci est remplacé par un enduit au ciment au cours du XXe siècle (phase 8).

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