La redécouverte d'une cheminée sculptée d'une maison de la Renaissance à Orléans

Les travaux de réaménagement de la salle du rez-de-chaussée du Musée Archéologique et Historique de l’Orléanais (hôtel Cabu, 21 rue Sainte-Catherine ; à l’angle de la rue Charles-Sanglier et de la rue Isabelle-Romée), qui accueillait le trésor de Neuvy-en-Sullias, ont été l’occasion de remettre au jour les vestiges d’une cheminée sculptée de la Renaissance. Endommagée par l’incendie du musée en 1940, cette cheminée, appuyée contre le mur sud du rez-de-chaussée, avait été cachée à l’intérieur d’un coffrage.

Déplacement d'une cheminée...

En réalité cette cheminée n’appartient pas à l’hôtel Renaissance servant actuellement de musée, construit par Philippe Cabu, avocat au Châtelet, au milieu du XVIe siècl. Elle a été remontée à cet endroit au XIXe siècle. Elle provient, en effet, du rez-de-chaussée d’une autre habitation Renaissance, actuellement détruite et autrefois située au n° 12 de la rue Puits-Landeau. Cette rue, disparue en 1940, reliait la rue du Cheval-Rouge à la rue Coulon. Au XIXe siècle, Charles Pensée dessina une vue en élévation de cette cheminée, encore située rue du Puits-Landeau, ainsi qu’un plan de localisation dans la maison. Ceux-ci furent publiés en 1849 dans son recueil de lithographies accompagnant l’Histoire architecturale d’Orléans rédigé par L. N. de Buzonnière. Ce dernier effectua d’ailleurs une description de cet ouvrage.

... au très riche décor sculpté

Le dégagement actuel de cette cheminée a été l’occasion d’établir de nouvelles observations. En calcaire du Nivernais (calcaire d’Apremont-sur-Allier, dans le Cher), son manteau et sa hotte sont ornés d’un remarquable décor sculpté de la Renaissance classique.

Chacun des jambages est sculpté d’une colonnette ionique à fût cannelé, supportant une console ornée d’un masque de lion. La plate-bande du manteau est moulurée à la façon d’un entablement avec architrave à trois fasces et frise ornée de quatre petits masques de lions en haut-relief. La corniche du manteau est surmontée d’une hotte droite dont les jouées sont animées par un ressaut, chacun occupé par une grande console à griffe. La base de la hotte comporte un socle sculpté de quadriglyphes. La face est sculptée sur ses côtés de deux couples de personnages en haut-relief, un masculin et un féminin, posés sur des plinthes. Ces personnages nus, évoquant des atlantes et des cariatides, portent sur leur tête une corbeille de fleurs retenue par une main. Ils encadrent un grand cartouche central orné de cuirs, de fruits, de mascarons, et de deux putti en pied.

Ce type de cartouche, dont le motif rappelle certaines gravures de Du Cerceau, se retrouve par exemple sur chacune des deux façades de l’hôtel de Philippe Cabu édifié au début des années 1550. Sur la cheminée, ce cartouche renferme une couronne dans laquelle s’inscrit un blason sculpté d’un chevron sommet d’un croissant, accoté de deux losanges, et surmontant un « M » couronné, probables armoiries du commanditaire qui n’ont pu être identifiées.

Enfin, la hotte est couronnée d’une corniche dont les modillons à volutes s’inspirent de l’entablement corinthien, et dont la cimaise est ornée de motifs de palmettes. Des traces de polychromie, notamment du rouge, sont visibles sur certains décors et il semble qu’au XIXe siècle des traces de dorures subsistaient également.

Un rare exemple de cheminée de la Renaissance conservé à Orléans

Cette œuvre s’inscrit dans le corpus des quelques cheminées sculptées connues à Orléans, aujourd’hui quasiment toutes détruites ou disparues.

On peut citer celle qui se trouvait dans l’hôtel d’Euverte Hatte, rue du Tabour (actuel centre Charles Péguy), et qui pourrait dater des années 1515-1525. Celle d’une maison de la rue des Bouteilles, possédait un manteau orné d’un satyre-atlante, d’un satyre-cariatide et d’un cartouche à mascarons, motifs proches de ceux de la cheminée de la rue du Puits-Landeau, suggérant une datation du milieu du XVIe siècle.

Une autre cheminée, provenant d’une maison autrefois située n° 4 rue de la Pierre-Percée (détruite), présente un remarquable décor d’arcatures renfermant des scènes en bas-relief, datant des années 1530-1540, ayant servi de modèle à la cheminée néo-gothique (XIXe siècle) actuellement visible dans l’hôtel de Jacques Groslot (mairie). Cette cheminée de la rue de la Pierre-Percée avait également été remontée au Musée Archéologique et Historique de l’Orléanais, au rez-de-chaussée de la salle en fond de cour (actuelle salle Jeanne d’Arc, mur ouest). Endommagée durant l’incendie de 1940, elle est actuellement masquée par un coffrage, à l’image de la cheminée décrite ici.

Ces cheminées témoignent de la richesse des intérieurs des maisons de riches bourgeois orléanais de de la première moitié et du milieu du XVIe siècle, qui sont surtout connues aujourd’hui uniquement par leurs façades.

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