François Edmond DESNOYERS (1806-1902)

Combien de nos séances ont été de même remplies par des dissertations aux développements imprévus, aux aspects ingénieux et parfois discutables, qu'il exposait avec une élégance fleurie, une abondance de citations classiques, une verve et une bonne humeur charmantes, ne se laissant effaroucher par rien, et aussi éloigné de ces pudeurs ridicules que toujours prêt à reconnaître les mérites d'une œuvre d'art, qu'elle fût païenne ou chrétienne, jeune ou vieille; uniquement épris de la science et de la beauté !
C'est grâce à cette constante curiosité d'esprit, à cette sorte de divination du passé, accompagnées de l'amour absolu de la vérité, qu'il put tirer un parti considérable de petites découvertes, qu'il provoquait avec persévérance et que d'autres auraient promptement négligées.

Baguenault de Puchesse (G.) - Monseigneur Desnoyers, président d'honneur de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, 1806-1902, Bulletin de la société archéologique et historique de l’Orléanais, n°174, 1902, p.30.

François Edmond Desnoyers (droits réservés)
François Edmond Desnoyers (droits réservés)

François Edmond Desnoyers est né à Orléans le 15 août 1806 dans une des maisons de la rue de Bourgogne située entre la rue du Bœuf Sainte Croix et la rue Pothier. Orphelin dès son plus jeune âge, il est recueilli par une tante du côté maternelle.

Il est ordonné prêtre à 23 ans et parallèlement à sa carrière ecclésiastique va développer, peut-être à la suite d’un voyage à Rome avec l’évêque vers 1840, un intérêt tout particulier pour l’archéologie. Passionnément amoureux d’Orléans, de l’Égypte et de Jeanne d’Arc (à qui il voue un véritable culte au dire même de plusieurs de ses contemporains), il sera l’auteur entre 1847 et 1902 de plus de 200 articles et contributions au cours desquels il montre tout à tour de réels talents d’épigraphiste, philologue, historien de l’art, anthropologue, ethnologue, numismate, antiquaire, et collectionneur averti. C’est plus particulièrement ce qu’il est convenu d’appeler « la culture matérielle », l’objet en tant que détenteur d’informations qui le fascine, lui faisant finalement dédaigner le théâtre des fouilles et préférer l’arrière-boutique des antiquaires.

Il est doué d’une grande érudition et d’un style littéraire oratoire bien reconnaissable, sans doute lié à l’habitude des prêches, et qui font de ses textes de véritables histoires.

Il fait partie en 1848 des fondateurs de la société archéologique de l’Orléanais, dont il sera président à plusieurs reprises. Il est également membre de la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts à partir de 1862 et correspondant de plusieurs autres sociétés savantes de l’hexagone.

Après avoir été directeur adjoint du musée archéologique depuis sa création en 1855, il en devient directeur en 1877 et contribuera largement à enrichir les collections. Il fonde ensuite le musée de Jeanne d’Arc inauguré en 1894 et qui se situait alors rue du Tabour dans l’actuel Musée Charles Péguy.

Il s’éteint au 24 rue Saint Etienne, le 27 janvier 1902

On complètera cette notice biographique volontairement courte, par un ensemble d’extraits résumant bien mieux la personnalité hors du commun d’un homme qui aura passé une partie de sa vie à tenter de comprendre celle « de ces orléanais du passé ».


Un style inimitable

Joseph-Louis Imbault était né à Orléans en 1822, dans cette vieille rue Bourgogne dont les maisons aux formes séculaires et les rues aux flexuosités étroites ont une saveur d'antiquité que les francs Orléanais et les vrais antiquaires ont seuls le charmant privilège de goûter. Hélas! les caprices de je ne sais quel progrès et les exigences d'une édilité qui contriste, à son insu, les naïves, mais savantes admirations de l'archéologue, ont déjà défiguré nombre de ces vieilles boutiques, de ces pignons sur rue qui faisaient délicieusement rêver aux XIIIe, XIVe et XVe siècles, et si notre Jeanne d'Arc qui, le 29 avril 1429, entra dans Orléans par la porte Bourgogne et traversa son parcours, le traversait aujourd'hui, elle demanderait aux échevins qui marchaient à côté de son blanc palefroi ce que sont devenues les maisons du XVe siècle d'où partaient tant de joyeuses acclamations ; elle chercherait les rues Saint-Liphard, Saint-Sauveur, de l'Ormerie, de la Pomme-de-Pin, Faverie. Hélas ! elle les chercherait en vain...
Cependant, en 1822, la rue Bourgogne conservait encore beaucoup de son antique physionomie, et j'aperçois encore dans mes souvenirs de soixante ans, en face du cloître Saint-Etienne, la maison, aujourd'hui n° 141, qui donna naissance à M. Imbault. Ses formes étaient épaisses, incultes ; ses voisines avaient le même extérieur et ne rougissaient pas, je vous l'assure, de leur ancienneté. L'écrivain de ces lignes est lui-même entré dans ce monde non loin de notre collègue, au milieu de maisons noires de vieillesse et habillées encore de leurs vêtements centenaires, et toutes avaient la noble fierté du vieillard raillé par une folâtre jeunesse. Oui, c'était beau de simplicité, de modestie et de précieux souvenirs... ».

Desnoyers (Abbé F.-E.), Notice biographique sur M. Imbault, Bulletin de la Société Archéologique et Historique de l’Orléanais, n°109, 1881, p.362-363.

« De figure agréable, de rapports faciles, homme de bon ton, M. de Noury n'était pas un savant par l'étude et la plume, mais il avait su réunir avec intelligence tous les éléments qui forment l'archéologue, doué d'un goût délicat, d'un coup d'œil prompt et sûr, de ce qu'on appelle le flair, il n'épargnait aucune démarche pour se procurer les bonnes pièces, les objets curieux, il hâtait même son lever pour marcher le premier sans bruit à la découverte, et c'est ainsi qu'il nous a ôté, à nous plus tardifs, les bonnes fortunes et les joyaux et quand nous allions visiter la boutique de l'excellente venderesse de bric-à-brac, rue de la Cerche, n° 5 surnommée par nous, à cause de sa fine bonhommie, la mère Rousseau: « Bonjour, mère Rousseau, lui disions-nous en souriant, avez-vous quelque chose pour nous? » — « Ah ! mes bons messieurs, répondait-elle, M. de Noury a fait son choix, voyez ce qui reste ».

Desnoyers (Abbé F.-E.), La collection de Noury, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, n°171, 1901, p.602-603.

« Notre première attention s'est portée sur les deux anciennes portes situées dans le Grand-Marché, derniers restes de cette Gaule qui accepta d'abord en frémissant la domination romaine, puis adopta ses habitudes architecturales. Gaulois et Romains ont foulé le passage de ces deux portes, l'un avec son sagum, l'autre avec sa toge, se sont coudoyés sous les deux cintres des portes, et leur souvenir s'y rencontre avec une inexprimable puissance. J'ai élevé la voix du fils de ses ancêtres, et la commission a décidé la conservation de ces deux portes ; elles pourront être réédifiées dans le jardin de l'Hôtel-de-Ville ».

Desnoyers (Abbé F.-E.), Note sur la Commission des maisons historiques, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, n°113, 1882, p.515.


Le fondateur de la Société Archéologique de l’Orléanais

« C'était au mois de décembre 1847, la journée était froide, pluvieuse et ne présageait rien d'agréable; je songeais uniquement à éviter au coin du feu le froid et sa dangereuse humidité, car aucun visiteur ne me semblait possible : tout à coup, j'entends retentir la sonnette tout étonnée, je pense, de recevoir une main sur laquelle elle ne comptait guère. Cette main était celle M. Mantellier ; je le vis entrer de meilleure humeur que le temps. Après l'échange de quelques paroles indifférentes, il me dit sans préparation : « Si nous fondions une Société archéologique ? qu'en pensez-vous?» Il connaissait depuis son arrivée à Orléans, en 1842, comme substitut du Procureur général, mes habitudes archéologiques, et plusieurs fois nous avions mis en commun nos goûts et nos études. La réponse ne fut pas longue : «Oui, lui répondis-je aussitôt, la fondation est à faire, exécutons-la», et sans ajourner le projet, nous jetâmes de suite, au coin du feu, les premières bases de la future Société, avec les quelques noms appelés à devenir ceux de nos collègues futurs ».

Desnoyers (Abbé F.-E.), Notice sur M. Mantellier de Montrachy, Correspondant de l'Institut, Membre et l'un des fondateurs de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, n°131, 1886, p.556. 


Le directeur du musée historique

« M. Desnoyers annonce à cette occasion qu'il vient d'achever le classement méthodique des 14 000 objets dont se composent les collections de notre musée historique. Cet important ensemble de pièces et de monuments forme maintenant une véritable histoire du travail, dans laquelle le visiteur trouvera chaque époque représentée depuis les temps préhistoriques jusqu'au XIXe siècle ».

Séance du 11 janvier 1884, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, n°120, 1884, p.169.


Un collectionneur passionné et averti

« N'est-ce donc pas une bien belle et noble chose qu'un cabinet d'archéologue où le savoir et les arts parlent si clairement, où les générations humaines ont chacune leur présence et leur langage ? ».

Desnoyers (Abbé F.-E.), La collection de Noury, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, n°171, 1901, p.600. 

« Le collectionnement est louable, mais à une condition nécessaire : c'est d'être éclairé par le goût et réglé par la raison, autrement, il devient un caprice. Une manie. ».

Desnoyers (Abbé F.-E.), Revue de l'exposition rétrospective d'Orléans, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, n°61, 1868, p.52.

« Rare exemple d'un collectionneur qui ne se donnait tant de peine pour acquérir un objet rare que dans la pensée de s'en dépouiller de son vivant au profit de tous ».

Baguenault de Puchesse (G.) - Monseigneur Desnoyers, président d'honneur de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, 1806-1902, Bulletin de la société archéologique et historique de l’Orléanais, n°174, 1902, p.30.


La générosité et le désintéressement

« Mgr Desnoyers a laissé ici, où il revit tout entier, de nombreuses traces de sa constante générosité. Sa dernière pensée, l'acte suprême de cet homme de bien, de ce patriote au cœur chaud, a été le legs fait à la ville d'Orléans de toutes ses collections. Mgr Desnoyers a partagé entre les divers établissements scientifiques de la ville une bibliothèque de plus de 15 000 volumes, 40 000 estampes sur l'histoire, l'archéologie ou l'iconographie ; des antiquités, médailles, bronzes, pièces de céramique, etc.».

Inauguration d’une nouvelle salle au musée historique, 12 janvier 1903, Bulletin de la société archéologique et historique de l’Orléanais, n°177, 1903, p.233.

« Le catalogue porte le nom de M. l'abbé Rocher. Par un sentiment de modestie exagérée, M. l'abbé Desnoyers a fait inscrire sous divers noms les objets exposés par lui. Dans toutes nos citations, nous rétablirons le nom de M. Desnoyers ».

Patay (docteur), Revue de l’exposition rétrospective d’Orléans (Mai et Juin 1876), Bulletin de la société archéologique et historique de l’Orléanais, n°91, 1876, note 2, p.427. 

« Pensez-vous, me disait un jour Mgr Desnoyers, que j’aie été plus prêtre que savant ? Quelques fois ça m’inquiète ».

Croze-Lemercier (P. de), Monseigneur Desnoyers, Séance du 3 mai 1902, Mémoires de la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts d’Orléans, T.2, 1902, p.72.


Pour en savoir plus

Les archives personnelles de l’abbé Desnoyers ne sont pas connues et pourraient avoir brûlé dans l’incendie du musée de juin 1940. Toutefois la médiathèque d’Orléans conserve un « recueil d’autographes et pièces signées » rassemblés par Mgr Desnoyers (Cotes : 1502 à 1508). 

  • « Les obsèques de Mgr Desnoyers », Journal du Loiret, 30 01 1902.
  • « Lettre circulaire de Mgr Touchet annonçant la mort de Mgr François-Edmond Desnoyers, Protocolaire apostolique, Vicaire général », Journal du Loiret, 31 01 1902.
  • Cochard, Annales religieuses d’Orléans, 8, 15 et 22 février 1902.
  • Baguenault de Puchesse (G.) - Monseigneur Desnoyers, président d'honneur de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, 1806-1902, Bulletin de la société archéologique et historique de l’Orléanais, n°174, 1902, p.26-40.
  • Croze-Lemercier (P. de), Monseigneur Desnoyers, Séance du 3 mai 1902, Mémoires de la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts d’Orléans, T.2, 1902, p.54-75
  • Rapport sur le mémoire de Croze-Lemercier : Monseigneur Desnoyers, Mémoires de la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts d’Orléans, T.2, 1902, p.76-90.

Date de modification : 29 mai 2020

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