Léon DUMUYS (1853-1911)
Je crois, Messieurs, que le mobilier intellectuel de M. Dumuys est déjà remarquable, et si nos âmes n’étaient pas trop hautes pour être atteintes par les bassesses de la jalousie, ceux parmi nous, Messieurs, qui ont déjà parcouru les longs chemins de la vie, qui portent sur leur chevelure les neiges de l’hiver, ou sur leur barbe les grises couleurs de l’automne, pourraient peut-être penser que M. Dumuys se lassera d’accroitre son beau mobilier ; eh bien ! non, il vient encore de l’augmenter. Après avoir visité les sombres et glacées régions de Norwège, il a pris sa course aventureuse vers les chaudes et riantes contrées de la Grèce.
Desnoyers (Abbé F. - E.), Monsieur Léon Dumuys et ses œuvres. Lecture faite à la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts dans la séance du 18 octobre 1895, Orléans, 1895.
Léon Dumuys (orthographié Dumuÿs) est né à Orléans le 21 octobre 1853. Il est mort dans cette même ville le 20 février 1911 (57 ans), à son domicile du 61 rue de la Lionne. Elève à Sainte-Croix, puis au Petit Séminaire de La Chapelle jusqu’en classe de philosophie en 1872 (équivalent de la Terminale), il fait ensuite son service militaire personnel en tant qu’engagé volontaire d’un an.
Une carrière consacrée au patrimoine historique
Bercé dans le monde des arts de par ses origines sociales, l’abbé Desnoyers, un ami personnel de son père, l’attache à la direction du musée historique d’Orléans où il est nommé par arrêté préfectoral en date du 3 février 1880. En 1894, s’adjoint à cette charge le musée de Jeanne d’Arc nouvellement créé. Il sera finalement nommé conservateur adjoint du Musée historique en 1903 puis conservateur des Musées historique et de Jeanne d’Arc en 1905.
C’est également en 1880 qu’il devient membre titulaire de la société des Belles Lettres puis, un peu plus tard, correspondant de la Société des Antiquaires de France. Il sera Président de la Société archéologique et historique de l’Orléanais en 1908 et 1909.
Un écrivain prolifique...
Outre les nombreux articles, notes et informations archéologiques qu’il publiera dans les bulletins et mémoires de ces trois sociétés, il est aussi correspondant du journal le Patriote Orléanais de 1894 à 1897 où il rédige pas moins de 120 articles sur des sujets de vulgarisation scientifique et parfois des découvertes archéologiques.
Il signe entre 1890 et 1899 plusieurs écrits (nouvelles, anecdotes, comédies, pamphlets...) sous le nom d’emprunt de Noël Guépin. Ces documents traitent tous d’Orléans et d’Orléanais. Complètements oubliés aujourd’hui, ils peuvent être considérés comme de véritables sources historiques qui dépeignent la vie quotidienne d’Orléans pendant les grandes réformes de la troisième République.
... passionné par les sciences
Si l’homme est pédagogue et doué d’une plume facile, il est aussi curieux des technologies et innovations de son siècle. Ainsi, en 1881, il présente lors du comité départemental de secours aux blessés du Loiret, une intéressante invention : la Caloriserve qui maintient pendant 6 ou 7 heures à une température élevée la nourriture de l’ouvrier obligé de s’éloigner de sa maison pour vaquer à son travail ou de l’ambulancier sur le champ de bataille. Le principe fondé sur la théorie physique des isolants est également applicable à la glace. Il sera récompensé à l’exposition industrielle de cette même année.
C’est également à lui que revient l’initiative des campagnes de photographies systématiques des collections et monuments pour constituer des référentiels. Il développera l’utilisation des clichés comme illustrations de ses articles.
Il convient également de signaler sa forte implication, tout comme celle de son épouse, dans plusieurs œuvres de charités (œuvre des prisonnières libérées d’Orléans, comité départemental de secours aux blessés). Il fut Président de la 4e section du comité du Cercle des ouvriers d’Orléans.
Des voyages au service du patrimoine
Au cours de sa vie il réalisera plusieurs voyages qui alimenteront autant de récits au style parfois romancé mais toujours dans une perspective scientifique. L’un d’eux mené jusqu’au Cap Nord sera publié sous la forme de lettres dans le journal du Loiret du 30 août 1888 au 22 novembre 1888. Ces voyages sont également mis à profit pour ramener foules d’objets destinés à enrichir les collections du Musée. À cette occasion, il visite des monuments et des collections, dont il fait des photos, et dresse des descriptions précises qui sont ensuite autant de supports à des conférences qu’il tient à Orléans notamment.
Cette curiosité ethnographique lui vaut plusieurs « collectages » au sens moderne du terme qui sauveront de l’oubli des traditions orales locales, des usages et coutumes.
À l'origine de grandes découvertes orléanaises
Enfin l’archéologie lui doit la découverte de plusieurs sites importants dans le Loiret, comme la nécropole mérovingienne de Neuvy-en-Sullias, celles du Bas-Empire et celle de la période mérovingienne de Briarres-sur-Essonne, respectivement en 1881-1882 et 1906. Il en va de même avec Orléans où sont mises au jour des constructions antiques et des sépultures rue de la Bretonnerie et des Huguenot en 1880, une habitation gallo-romaine rue Coquille en 1898, l’enceinte antique rue Ducerceau et l’énigmatique batardeau gaulois en 1902, des sections de voies et une nécropole dans le quartier Saint Marceau en 1882 puis 1902 et 1903).
On retiendra également son intérêt pour les « lentilles de verre » du haut Moyen Âge qu’il associe avec beaucoup de perspicacité à des lissoirs (Congrès archéologique de France, Orléans, 1892, p.60-61) et son travail précurseur sur les carrières et caves d’Orléans qu’il explore patiemment. Toutefois de ce dernier monumental travail, « il ne reste guère qu'un mémoire, lu en 1888, au Congrès des Sociétés savantes, sur les quatre enceintes et les souterrains de la ville d'Orléans, des notes quasi informes et un plan d'ensemble trouvés dans ses papiers après sa mort. »
Une partie de ses archives a malheureusement brûlé dans l’incendie du Musée historique de juin 1940 et notamment le dossier sur les fouilles de la rue Ducerceau.
Rappelant que les obsèques de notre très regretté collègue, M. Léon Dumuys, ont eu lieu hier, M. Vignat dit combien cette mort prématurée a péniblement impressionné la Compagnie ; celle-ci gardera fidèlement le souvenir de cet archéologue enthousiaste et infatigable, de ce causeur charmant et disert. Le département et la ville d' Orléans n'oublierons pas non plus les services qu'il a rendus, avec un désintéressement complet, au Musée historique de l'Orléanais et au musée Jeanne d'Arc. La Société décide d'adresser à la famille de M. Dumuys ses respectueuses condoléances et de lever la séance en signe de deuil.
Société archéologique et historique de l'Orléanais. Séance du 24 février 1911 (Journal du Loiret du 13 mars 1911)
Pour en savoir plus
Rocher (Dr), Eloge funèbre de M. Léon Dumuys, Séance du 3 mars 1911, Mémoires de la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts d’Orléans, T.11, 1911, p.274-276
Huet (E.), Notice bio-bibliographique de M. Léon Dumuys, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, T.XVI,n°200, 1911, p.67-80.
Huet (E.), Léon Dumuys. Supplément à la notice bibliographique, Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, T.XVI,n°201, 1911, p.116-117.
Maillard (A.), Conférence de M. Léon Dumuys « d'Orléans au Cap-Nord ! », 26 mars 1901, Mémoires de la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts d’Orléans, T. I, 1900, p. 64-67.
Annuaire de la Société archéologique de Bruxelles, T.XXIII, 1912, p.126-128.
Journal du Loiret, 24 février 1911.
Léon Dumuys, né le 21 octobre 1853, conservateur des musée historique et de Jeanne d'Arc... décédé le 20 février 1911, [recueil des rubriques nécrologiques, obsèques, discours], Orléans, 1911, 67 p.
Desnoyers (Abbé F. - E.), Monsieur Léon Dumuys et ses œuvres. Lecture faite à la société d’agriculture, sciences, belles-lettres et arts dans la séance du 18 octobre 1895, Orléans, 1895, 22 p.
Dumuys (L.), Journal pendant le siège d’Orléans en 1870, [manuscrit conservé aux archives départementales du Loiret], 1870, 32 p.