Orléans, emporium des Carnutes
Dès sa création durant le IIe siècle av. J.-C., l’agglomération de Cenabum / Orléans se développe le long de la Loire, à la fois comme tête de pont et nœud commercial au sommet de la boucle ligérienne. De nombreux aménagements témoignent des relations étroites entre la ville et son fleuve à partir de la fin de l’âge du Fer.
Orléans-Cenabum est connue chez les auteurs antiques pour être l’emporium des Carnutes (Strabon, Géographie, IV, 2, 3), c’est-à-dire une place de commerce. Les fréquentes découvertes archéologiques, effectuées tant sur la rive droite que dans le fleuve, témoignent d’échanges à plus ou moins longue distance dès le IIe siècle av. J.-C. Régulièrement les importations de céramiques gauloises tiennent leur origine du nord du Massif Central, à la faveur de l’axe de transport fluvial qui relie ces deux territoires. Les nombreuses monnaies gauloises, républicaines, grecques ou africaines retrouvées au XIXe siècle dans le lit de la Loire, ou lors des fouilles récentes, sont les traces fugaces d’échanges avec des espaces beaucoup plus lointains, jusqu’à l’est de la Méditerranée.
La présence d’artisans au sein de l’agglomération est également bien perceptible. Forgerons et orfèvres ont des ateliers dans toute la ville. L'abondance des fragments de bracelets en verre et en lignite retrouvés à la Charpenterie et aux Halles-Châtelet, témoignent à la fois du commerce et de l’artisanat. La matière première est nécessairement importée car les ressources sont absentes de l’Orléanais. Tous ces indices sont les reflets du dynamisme de l’agglomération gauloise, place de commerce des Carnutes.
Orléans, emporium of the Carnutes
From its very foundation during the 2th century BC, Cenabum (Orléans) has developed along the river Loire, being at the same time the bridgehead and the heart of commercial activity at the top of the river loop. Starting from the end of the Iron Age, many changes in the layout of the city underlined the ever growing connections between the city and the river.
Identified by the classical authors as being the emporium of the Carnutes (Strabo, Geographica, IV, 2, 3), Cenabum was a key center for trade. Numerous archaeological discoveries made on the right bank of the river and in the river itself show the importance of trade, either close or far, from the beginning of the 2nd century BC. A lot of the Gallic ceramic found there came from north of the Massif Central, thanks to fluvial transport. The abundant Gallic, Greek or African coins found in the river bed in the 19th century or during recent excavations are fleeting testimonies of exchanges with faraway territories, as far as east of the Mediterranean sea.
The presence of workshops for artisans such as blacksmiths or jewellers in the city is also quite noticeable. The numerous pieces of glass and lignite bracelets found at the carpentry (Charpenterie) and at the covered market (Halles-Châtelet) confirm the link between trade and crafts, the raw material having been necessarily imported as it could not be found locally. Such clues are the evidence of the dynamism of this Gallic urban area, core of the Carnutes’ commercial activity.
Les bracelets et la perle en verre
Comme toutes les villes gauloises, Orléans a livré de nombreux fragments de parures en verre et en lignite. Bracelets et perles sont très prisés par les Gaulois et constituent les principaux bijoux en vogue aux IIe et Ier siècles av. J.-C. Pour les archéologues, ils sont aussi les témoignages évidents de l’artisanat et du commerce, principales sources économiques de la ville avant la Conquête. En effet, le verre, comme le lignite, sont des matières premières dont l’origine est à rechercher bien loin d’Orléans.
Le lignite est une matière organique fossilisée, comme le charbon, résistante comme du bois mais d’une couleur noire intense. Les gisements les plus proches sont connus dans le Massif Central. L’essentiel des objets produits dans ce matériau correspond à des bracelets.
Le verre, quant à lui, provient de contrées beaucoup plus éloignées. Il est essentiellement produit sur les rives orientales de la Méditerranée. Il arrive en Gaule sous la forme de blocs massifs qui sont ensuite redistribués dans les centres artisanaux. La matière brute est ainsi transformée sur place pour produire perles et bracelets très colorés. Bleu cobalt, pourpre ou jaune, ils peuvent être décorés de filets de pâte de verre jaunes ou blancs. La reproduction des techniques de fabrication par des artisans verriers actuels a démontré l’extrême technicité des artisans gaulois qui fabriquaient ces parures. Aujourd’hui encore, certains types de décor sont quasiment impossibles à reproduire.
La forme des bracelets, qu’ils soient en verre ou en lignite, est extrêmement standardisée dans toute l’Europe celtique, de la Bretagne à la Bohême. Elle témoigne à la fois de la circulation des biens et des techniques sur de très grandes distances et de l’intégration d’Orléans au monde celtique de la fin de l’âge du Fer, tant du point de vue économique que culturel.
Fragments de bracelets et perle
IIe et Ier siècles av. J.-C.
Îlot de la Charpenterie et Halles-Châtelet (Orléans)
Verre
Diam. 7, l. 0,9 cm ; diam. 6, l. 0,9 cm ; diam. 7, l. 0,6 cm ; diam. 3,5, l. 1,3 cm
Orléans, DRAC Centre, Service Régional de l’Archéologie (inv. 3698-1, 12394-1, 4377-1, 2318-1)
Année de découverte : 1999 et 2001
Les bracelets en lignite
Bracelets
IIe et Ier siècles av. J.-C.
Îlot de la Charpenterie et Halles-Châtelet (Orléans)
Lignite
Diam. 7, l. 1,5 cm ; diam. 7, l. 0,8 cm ; diam. 8, l. 1,5 cm ; diam. 7 ; l. 0,7 cm
Orléans, DRAC Centre, Service Régional de l’Archéologie (3753-02, 2428-03, 3517-01, 5829-1)
Année de découverte : 1999 et 2001
Les vases à décor peint
Différents matériaux ont été employés pour fabriquer de la vaisselle à l'époque gauloise. Si celle en bois est mal connue car non conservée, on sait par exemple que le vaissellier métallique, attesté par de rares anses en bronze découvertes à Orléans était réservé à un usage occasionnel. La vaisselle de table en céramique est généralement noire ou brune et brillante grâce à sa surface lustrée, une caractéristique de la vaisselle gauloise. On conserve également quelques vases peints, marqueurs d’une population aisée. Ces vases à liquide présentent un décor géométrique brun et rouge ou blanc à motif zoomorphe. Ce type de production est caractéristique du nord du Massif Central (Auvergne).
La céramique à engobe blanc et à surface peinte est extrêmement répandue dans le nord-est du Massif Central aux IIe et Ier siècles av. J.-C. et jusqu’au Ier siècle ap. J.-C. Le répertoire ornemental comprend à la fois des décors géométriques, végétaux et zoomorphes. Avant de recevoir leur décor, les vases subissent un lissage de la surface et un séchage. Une fois la pâte durcie, le potier dispose sur le vase un engobe blanc, puis le cuit. Après la cuisson, il peut passer au décor complémentaire. Les motifs sont le plus souvent réalisés dans des tons rouges.
La présence de cet ensemble de vases peints à Orléans témoigne à la fois de l’existence d’importations et plus largement d’échanges commerciaux entre cette ville et les populations du nord-est du Massif Central dès le IIe siècle av. J.-C., et de la présence d’une population relativement aisée capable de financer l’importation de ces vases.
Vases
IIe siècle av. J.-C.
Îlot de la Charpenterie (Orléans)
Céramique peinte
H. 28 cm, diam. 8 cm ; H. 25 cm, diam. 12 cm
Orléans, DRAC Centre, Service Régional de l’Archéologie
Les monnaies gauloises
Les monnaies gauloises permettent de retracer les échanges commerciaux à plus ou moins longue distance. En effet, chaque entité politique produit sa propre monnaie caractéristique d’un peuple tout entier ou d’un territoire plus restreint. Ainsi, les monnaies des Carnutes sont-elles différentes de celles des autres peuples gaulois. Elles s’en distinguent par les motifs représentés sur les monnaies. On peut même différencier les monnaies produites à Orléans même, de celles émises dans le reste du territoire qui s’étend de la Seine au nord, à la Sologne au sud.
Le motif privilégié des monnaies issues des ateliers orléanais est un rapace : aigle ou pygargue. On en retrouve toujours au moins un exemplaire lors des fouilles archéologiques effectuées à Orléans. Elles sont soit frappées, soit coulées et sont alors appelées potins.
Parmi plus de 2 000 monnaies trouvées à Orléans depuis le XIXe siècle, plus de la moitié peuvent être attribuées aux Carnutes. Les autres proviennent de peuples et de contrées plus éloignés. Beaucoup témoignent de contacts avec les territoires voisins, Turons, Bituriges et Sénons, mais aussi avec les régions du nord et de l’ouest de la Gaule. On retrouve aussi ponctuellement des exemplaires produits en Bourgogne ou dans la Vallée du Rhône. Certaines monnaies, plus rares, témoignent d'échanges beaucoup plus lointains avec l’Italie romaine, la Grèce et même l’Afrique. Étonnamment, seule une monnaie arverne a été découverte dans la commune, alors que d’autres indices attestent des contacts commerciaux réguliers avec les populations du nord du Massif-Central.
L’usage de la monnaie à Orléans apparaît à partir du deuxième quart du IIe siècle av. J.-C. Il va de pair avec l’urbanisation naissante de la ville et son développement commercial favorisé par sa position géographique idéale au sommet de l’arc ligérien.
Quinaire au taureau
Ier siècle av. J.-C.
Place du Cheval Rouge (Orléans)
Argent
Diam. 1,5 cm
Orléans, Pôle d’archéologie (inv. 184_NUM_005)
Année de découverte : 2012
Droit : ATEVLA, buste juvénile ailé à la chevelure bouclée
Revers : VLATOS, taureau à la crinière perlée levant la tête à droite ; au-dessus S couché, dessous pentagramme ; à l'exergue [croissant]
Atelier : région de Reims, Picardie
Quinaire au cavalier
Ier siècle av. J.-C.
Place du Cheval Rouge (Orléans)
Argent
Diam. 1,4 cm
Orléans, Pôle d’archéologie (inv. 184_NUM_043)
Année de découverte : 2012
Droit : DVRNACOS, tête casquée à droite
Revers : AVSCRO, cavalier avec javelot/lance sur cheval au galop
Atelier : Vallée du Rhône
Potin à l’aigle
IIe siècle av. J.-C.
Place du Cheval Rouge (Orléans)
Potin
Diam. 2,2 cm
Orléans, Pôle d’archéologie (inv. 184_NUM_055)
Année de découverte : 2012
Droit : Tête à gauche fruste
Revers : Aigle éployé de face, tête à droite, ailes repliées dans le dos
Atelier : Orléans et territoire Carnute
Date de modification : 8 juillet 2020