Orléans, une ville de la Renaissance
Orléans, une ville de la Renaissance
La fin de l’époque médiévale, c’est-à-dire la deuxième moitié du XVe et le XVIe siècle, correspond à une période de profond renouvellement du tissu urbain à Orléans. Elle voit l’accroissement de la population, la mise en place de nouveaux quartiers d’habitation ainsi que la reconstruction de nombreux bâtiments, édifices publics, églises ou maisons.
À côté d’une architecture en pierre ou en brique, nombre de maisons sont édifiées avec des façades en pan-de-bois. Parmi celles-ci, les ossatures à panneaux de croix de Saint-André se caractérisent par la présence de décors sculptés se développant autour des ouvertures (portes, fenêtres, lucarnes) et de la sablière de chambrée (poutre horizontale à la base des étages). Encore fortement imprégnés d’ornements issus du vocabulaire décoratif médiéval (pinacles, accolades, écailles, engoulants), ces décors vont s’enrichir progressivement, dans les premières décennies du XVIe siècle, de sculptures « à l’antique » (oves, feuilles d’acanthe, etc.).
Quelques maisons plus riches se distinguent par un décor sculpté abondant recouvrant une majorité des pièces de bois, mêlant ornements moulurés, sculptures figuratives (personnages en pied ou culots représentant des têtes humaines, des animaux). Les remplissages de ces pans-de-bois (hourdis) réalisés en petits moellons de calcaire enduits ou plus souvent en briquettes créaient des jeux de contraste et des effets de polychromie participant à la mise en valeur des élévations. De tels jeux s’observent également sur les façades en pierre ou en brique de la même époque.
À partir des années 1535, Orléans devient un important foyer de l’architecture de la seconde Renaissance (ou Renaissance classique) dont témoignent encore de nombreuses demeures ou hôtels particuliers (hôtel Toutin, hôtel Groslot). Des décors classiques vont également orner quelques façades en pan de bois à ossature en losanges dans le dernier tiers du XVIe siècle et le début du siècle suivant. Datant de cette dernière période, les tympans en bois fermant les arcades servant de devanture de boutique de plusieurs maisons en pierre ou en brique dans le quartier du Châtelet illustrent la permanence de certains décors. Le motif médiéval de l’engoulant, employé depuis un siècle dans les habitations orléanaises, se retrouve associé à des décors nouveaux : mascarons, cuirs, pilastres « à l’antique ».
Orleans, a Renaissance city
At the end of the Middle Ages, that is to say the second half of the 15th century and the 16th century, deep changes occurred in Orléans in terms of urban development : a growth in population, the creation of new residential districts and the reconstruction of numerous buildings such as public ones, churches or houses.
In addition to buildings made of bricks or stone, many houses were built with facades made of wood panels. Among these ones, the frameworks with Saint Andrew’s cross panels are characterized by carved ornaments all around the various openings (doors, windows, dormer windows) and the jetty bressumer (horizontal beam between floors). Architectural elements reminiscent of the Antiquity (acanthus leaves, ovum…) were added to medieval ornaments (pinacles, accolades, imbrication, engouled beams, and so on...)
A few wealthier houses were distinguishable from others by their facades combining moulded ornaments with figurative sculptures. In the case of half-timbered houses, the space between the timbers was filled with coated rubble made of limestone or with small bricks, creating an interesting contrast thanks to material polychrome. Such contrasts were also noticeable on stone or brick facades.
Around the 1535s, Orléans became an important architectural centre of the High Renaissance, with its big houses and private mansions such as the Cabu, Toutin and Grolot hotels. Classical ornaments were also found on some half-timbered houses of diamond-shaped framework during the third part of the 16th century and the beginning of the following one. Some decorations were thus immortalized by the wooden tympana of several stone or brick houses of the Châtelet district. The medieval pattern called "engoulant" features an animal or monster head with a wide open mouth. This pattern is often found on beam ends and has been used for one century in Orléans houses, together with new ornaments such as “mascarons” (carved contorted heads), « cuirs » (leather ornamental patterns) and pilasters echoing the antique architecture.
Les fragments sculptés
Peu d’éléments décoratifs sculptés subsistent encore sur les maisons en pan-de-bois orléanaises. La majorité a été bûchée lors de l’agrandissement des fenêtres et de l’installation de lattis recevant les enduits recouvrant les façades aux XVIIIe et XIXe siècles. Cependant, les observations effectuées lors des études d’archéologie du bâti permettent de relever les contours de ces éléments décoratifs disparus. En outre, certains éléments subsistent en élévation sur des façades donnant sur des impasses (n° 32 rue du Poirier par exemple) ou sur des cours, qui n'ont jamais été enduites du fait de leur position secondaire. On conserve également sur des relevés anciens que ces décors pouvaient exceptionnellement se multiplier sur certaines façades richement ornées, comme c’est le cas pour la maison anciennement située au n° 14 rue des Hôtelleries-Sainte-Catherine : toutes les pièces de bois arborent des motifs couvrants et répétitifs, comme des rubans torsadés, des perles ou des oves.
Ces cinq fragments sculptés proviennent d’une même façade de maison en pan-de-bois orléanaise. Deux pinacles sont assez proches stylistiquement parlant, ils comportent chacun des bagues en partie supérieure (décor de petits gâbles et de crochets). La seule différence est le traitement du fût : l’un présente un décor hélicoïdal (imbrications et pointes de diamant), l’autre un décor d’écailles couvrant. Le premier élément de frise possède un décor de ruban autour d’un fil alternant avec deux perles, le second des motifs d’oves. L’un comme l’autre proviennent sans doute des sablières de la façade. Enfin, le fragment de fût de pinacle arbore également un décor d’écailles couvrant.
Pinacle
1500 - 1530
Orléans
Bois
H. 65,5 cm, l. 9 cm, p. 6 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts (inv. 2016.3.1)
Pinacle
1500 - 1530
Orléans
Bois
H. 65 cm, l. 8,5 cm, p. 6 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts (inv. 2016.3.4)
Support de pinacle
1500 - 1530
Orléans
Bois
H. 36,5 cm, l. 14 cm, p. 5,5 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts (inv. 2016.3.5)
Élément de frise
1500 - 1530
Orléans
Bois
L. 66,5 cm, l. 6,8 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts (inv. 2016.3.3)
Particularité : ce fragment présente des traces de polychromie
Élément de frise
1500 - 1530
Orléans
Bois
H. 58,6 cm, l. 8,2 cm, p. 4 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts (inv. 2016.3.2)
Le tympan en bois
Deux tympans en bois appartiennent aux collections du Musée archéologique et historique de l’Orléanais (hôtel Cabu). Il est probable qu'ils proviennent d'un ou plusieurs bâtiments situés dans le quartier commerçant du Châtelet, détruits lors de la construction des halles à la fin du XIXe siècle. Il pourrait s'agir de la maison qui s’élevait au n° 3 rue du Châtelet et qui a fait l’objet de deux relevés avant sa destruction. La façade en brique et pierre de cette demeure possédait deux devantures de boutiques dotées de semblables tympans. Les autres éléments de la façade permettent de dater ce bâtiment de la fin du XVIe ou du début du XVIIe siècle. Néanmoins, un tympan similaire a été dessiné dans une arcade d’une maison en brique et pierre de la rue de la Pierre-Percée, également détruite au XIXe siècle.
Le seul exemplaire encore conservé en place se trouve également dans le quartier du Châtelet, sur la maison dite de l’Ours (n° 4 place du Châtelet). Il date de la fin du XVIe ou du début du siècle suivant et a été inséré dans cette maison plus ancienne (1ère moitié du XVIe siècle). Son linteau conserve un motif central de cuir et est engoulé : il est ici sculpté de gueules de lions ou de béliers. Il a d'ailleurs servi de modèle pour la création de poitrails (poutre principale formant la base) dans les arcades des maisons n° 6 place du Châtelet et n° 4 rue des Trois-Maillets, lors de restaurations dans les années 2010.
Ce tympan est constitué d’une ossature en chêne dont les éléments sont assemblés et chevillés. Les espaces entre les pièces de bois servaient à l’éclairage et à l’aération de la boutique. Des fragments de papiers, des tasseaux et des morceaux de planches clouées sont les vestiges d’éléments de fermeture posés ultérieurement pour clore ces petites ouvertures. Différentes pièces de bois du tympan présentent un décor mouluré et sculpté. Le poitrail est orné de frises de perles ou de denticules et est engoulé aux extrémités. Ce motif d’engoulant est très fréquent à Orléans, dans la première moitié du XVIe siècle, pour décorer les façades en pan de bois (sablières, linteaux de porte) et les poutres de plafonds de maisons en pierre. En son centre, le poitrail est également sculpté d’un motif de mascaron (tête humaine). Ce vocabulaire décoratif appartient à celui de la « Renaissance classique », ce qui permet, par comparaison, de situer la construction de ce tympan dans le dernier tiers du XVIe siècle ou dans la première moitié du XVIIe siècle.
Tympan
Dernier tiers XVIe – début XVIIe siècle
Quartier du Châtelet (Orléans)
Bois
L. 278 cm, H. 77 cm, l. 37 cm
Orléans, Pôle d’archéologie (dépôt du Musée des Beaux-Arts d’Orléans)
Date de modification : 8 juillet 2020