Un espace funéraire tardo-antique au n° 20 rue Saint-Marc
Un espace funéraire tardo-antique au n° 20 rue Saint-Marc
Le diagnostic a été effectué en préalable au projet de reconstruction de l’école maternelle Saint-Marc et de l’aménagement de la place publique au-devant. Cette opération a totalement renouvelé nos connaissances sur ce quartier du faubourg oriental de la ville.
Un contexte archéologique dense
Depuis les années 1980, ce secteur situé entre la rue du Faubourg-Bourgogne et la rue Saint-Marc a fait l’objet d’une quinzaine d’interventions archéologiques préventives, principalement motivées par la tradition historique et quelques observations faites au XIXe et au début du XXe siècle. De ce contexte archéologique on retiendra les deux voies anciennes se dirigeant vers Autun et Sens, les deux édifices religieux que sont Saint-Marc et Saint-Phallier alias Saint Gervais-Saint Protais attestés dès le IXe siècle et la découverte de plusieurs espaces funéraires :
- une nécropole gallo-romaine Ier-IIIe siècle, au croisement de la rue du faubourg de Bourgogne et de la rue Charles Péguy, fouillée en 1991 ;
- un sarcophage face au n°14 rue Bellébat, découvert en 1901 ;
- des cercueils et plusieurs sarcophages autour de Saint Phallier : d’une part des découvertes anciennes relatées par Ch.-F. Vergnaud-Romagnési et d’autre part des découvertes fortuites datant des années 1980 ;
- un sarcophage de l’antiquité tardive accompagné de plusieurs sépultures en cercueil au n°22 de la rue Saint Marc trouvé en 1952 ;
- plus récemment, la mise au jour de vastes demeures gallo-romaines, rue des Cordiers, fondées dans le courant du Ier siècle et abandonnées vers la fin du IIIe siècle, a accru l’intérêt de ce secteur pour la période antique.
Une zone en culture aux Ier et IIe siècle
La première occupation est attestée par du mobilier céramique du Haut Empire (Ier-IIe siècle), roulé et fragmenté, retrouvé en position résiduelle dans les comblements de structures postérieures. Ce mobilier semble traduire l’existence aux Ier et IIe siècle de terrains agricoles ou de jardins régulièrement amendés, remaniés par les creusements postérieurs. Ce phénomène n’est pas isolé dans le quartier. Il a été identifié sur les terrains périphériques de la domus du 6 rue des Cordiers, notamment au sud au niveau du 25-27 rue du Faubourg-Bourgogne et à l’ouest au 2 rue Bellébat.
L’absence de toute structure archéologique pour cette période sur le site, confirme le caractère rural du secteur et probablement agricole. Elle permet en outre d’exclure, a priori, l’extension des habitats le long de la rue Saint Marc, ainsi que l’origine du Haut-Empire de cette rue.
Une nécropole du IVe siècle...
Durant la deuxième moitié du IIIe ou début du IVe siècle, l’occupation change totalement, avec la mise en place successivement d’une occupation non caractérisée, d’une voirie puis d’un espace d’inhumation.
La première phase est illustrée par une fosse dépotoir qui a livré du mobilier céramique du IIIe-début du IVe siècle et une très grande fosse probablement utilisée pour de l’extraction de limon ou de calcaire, qui pourrait également appartenir à cette période. Une voie est-ouest succède à la fosse dépotoir. La grande fosse d’extraction pourrait encore marquer le paysage, voire appartenir à cette phase. La chaussée est délimitée sur son rebord sud par un fossé. La surface de roulement est composée d’un radier de débris concassés de pierres, graviers, tessons et briques. Des ornières parfois très profondes, comblées de pierres calcaires, attestent du passage répété de charriots. Il s’agit vraisemblablement du premier état de la rue Saint-Marc.
Après le déplacement de la voie un peu plus au nord, quatre individus sont inhumés. Le niveau de percement des tombes n’est pas connu, mais deux d’entre elles présentaient une profondeur de plus de 45 cm sous le niveau de décapage. Sur l’une d’entre elles des moellons calcaires de taille moyenne et des morceaux de briques (récupérés peut-être sur un bâtiment antérieur) pourraient avoir marqué en surface l’emplacement de la sépulture. Les individus fouillés sont orientés est-ouest avec la tête à l’ouest. Malgré l’état de conversation assez hétérogène des squelettes, il a été possible d’identifier trois adultes et un enfant appartenant à la tranche d’âge [1-4] ans. Le sexe des individus adultes a pu être déterminé pour un seul sujet : il s’agit d’un homme.
En ce qui concerne l’architecture funéraire, deux sépultures ont révélé des cercueils cloutés. Les deux autres montrent un phénomène de décomposition de planches de bois permettant d’envisager l’existence de cercueils assemblés sans éléments métalliques, manifestement chevillés. Une nette homogénéité se dégage donc de ce petit ensemble funéraire. En l’absence de mobilier d’accompagnement les datations radiocarbone menées sur les quatre squelettes ont permis de placer à 95% de probabilité les inhumations entre 240 et 530 apr. J.-C. au plus large. Toutefois, en considérant l’organisation de ce petit ensemble et l’homogénéité des pratiques, qui sont les indices d’une constitution en un laps de temps très court, il est possible d’exclure les propositions très précoces ou très tardives et de restreindre la datation entre les bornes de 345-395, soit à la deuxième moitié du IVe siècle.
... autour d'une sépulture en sarcophage ?
La découverte du sarcophage de l’Antiquité tardive faite au n°22 de la rue Saint Marc, immédiatement au nord de l’intervention objet de ces quelques lignes, permet d’étendre vers le nord la zone d’inhumation.
Ainsi, d’après ces différentes informations, il faudrait restituer un ensemble de sépultures en cercueil organisées autour d’une inhumation en sarcophage, bien plus monumentale. Cette tombe se distingue évidemment par son architecture funéraire, mais également par l’orientation du défunt, qui d’après les mentions faites par l’auteur de la découverte est tourné la tête vers l’est. Or, pour les périodes plus tardives, ce type d’orientation est clairement consacré aux ecclésiastiques de haut rang. Au final, l’ensemble des données évoquerait une nécropole ad sanctos, à l’image des premières basiliques paléochrétiennes. Cette considération n’est pas anodine, dans un secteur que les sources relient aux premiers évêques et notamment à Saint-Euverte. Elles vont dans le sens des hypothèses formulées dès 1939 par M. de la Martinière qui voyait dans le quartier Saint-Marc, l’antique ecclesia extra muros recevant le corps des premiers évêques.
Un établissement agricole du IXe siècle
Après un hiatus de plusieurs siècles, on retrouve la trace d’une occupation rurale, sous la forme d’un silo à céréales. Il est comblé de déchets domestiques comprenant de la céramique produite par les ateliers de Saran, des tessons de verre à boire, des ossements animaux et un lissoir en verre. Cette occupation s’accorde assez bien avec les sources historiques du IXe siècle concernant l’existence du prieuré et de la chapelle Saint-Gervais-Saint-Protais.
Le faubourg Saint Marc
À la fin de la période médiévale, un fossé nord-sud s’appuyant probablement sur la voie Saint-Marc vient séparer l’espace. Il semble venir consacrer l’utilisation agricole réservée alors à ces terrains.
Aux XVIe et XVIIe siècle, de grandes fosses d’extraction émaillent toute la surface. Il peut s’agir d’extraction de marne, comme il en existe d’autres dans le quartier. Leur comblement, à l’aide de matériaux de démolition et de déchets domestiques, témoigne de l’existence d’habitats dans l’environnement immédiat. Des déchets de forge, également découverts dans deux grandes fosses attestent d’un artisanat de ce type à cette même période. Cette présence conforte le rejet des activités dangereuses dans les faubourgs de la ville.
Postérieurement à une nouvelle phase de remblaiement et de nivellement, seront construits les bâtiments visibles sur le cadastre ancien qui constitueront le noyau de l’école maternelle Saint-Marc aujourd’hui reconstruite.