Un atelier de potier près du bourg de Saran
Un atelier de potier près du bourg de Saran
Une nouvelle fenêtre d'étude a été ouverte au sud du bourg de Saran et permet d'aborder l’artisanat potier du haut Moyen Âge dans le secteur.
Un contexte archéologique dense
Une nouvelle fenêtre d'étude a été ouverte au sud du bourg de Saran et permet d'aborder l’artisanat potier du haut Moyen Âge dans le secteur.
L’emprise de fouille de 2 600 m2 correspond au projet de construction d'une nouvelle rue de la ville actuelle de Saran, faisant le lien entre la rue du Bourg au nord et le lotissement de la Guignace au sud-est. Elle est bordée par plusieurs interventions archéologiques récentes qui ont révélé l’existence sur tout le secteur d’habitats du haut Moyen Âge datés du VIe au Xe siècle (sites 033 et 034 sur le plan). Dans la partie sud, pour la même période (site 030 sur le plan), une importante activité potière a été identifiée grâce à la découverte de fours, de probables tours de potiers, de fosses d'extractions d’argile, et de tessonnières. Cette activité se trouve dans la continuité de celle identifiée au sud du lac de la Médecinerie (sites 001 et 017 sur le plan).
Cette vaste agglomération spécialisée dans l'artisanat potier se développe le long de la voie antique reliant Orléans et Chartres, à l’emplacement d’un site gallo-romain dont une partie a été retrouvée lors du creusement du lac en 1968-1969.
Les marges d'un petit atelier de potier
Le décapage de la voie projetée a consisté en un terrassement préliminaire sous surveillance archéologique à la cote du fond de forme. À l’extrémité orientale de l’emprise, sur une vingtaine de mètres correspondant à la pente d’un petit vallon, le décapage a mis en évidence une série de structures achéologiques du haut Moyen Âge creusées dans le limon. Il s'agit d'un fossé bordant la limite d’emprise et comblé de rebuts de cuisson, d'une construction légère sur poteau, de plusieurs fosses d'extractions de sable et d'un four de potier.
Les marges d'un petit atelier de potier
Sur la partie médiane du tracé de la voie, le terrain remonte progressivement et devient très argileux, gris verdâtre. Il est alors le siège de fosses peu profondes, probablement liées à l’extraction de l’argile par les potiers. Ce terrain était encore récemment boisé et les arbres ont marqué le sol de chablis qui se confondent avec ces extractions. La nature du substrat n’a pas permis un décapage fin.
Sur la dernière section menant au bourg, le décapage, en respect avec la cote du fond de forme de la voie, s’est arrêté relativement haut dans une nappe de terre argileuse brune recouvrant les éventuels vestiges.
Un four de potier remarquable...
Les occupations les plus anciennes relevées sur le site correspondent à des fosses des VIe-VIIe siècle. Elles ont vraisemblablement été creusées pour extraire du sable. Elles ont été recoupées en partie par un four de potier daté du VIIe-début du VIIIe siècle. Ces fosses ont livré pour certaines des ratés de cuisson et des fragments de maçonnerie de four. Ceci permet de supposer l’existence d’un four plus ancien que celui mis en évidence sur l’emprise et se développant sans doute plus au sud.
Le four de potier découvert est orienté est-ouest. Il possède une chambre de cuisson partiellement préservée, de plan quadrangulaire avec cinq pilettes internes. La fosse d’accès au four est située à l’est. Les parois du four, les pilettes et l’alandier sont entièrement maçonnés de matériaux de terre cuite posés à plat et jointoyés à l’argile (tegulae et imbrices) et dans une moindre mesure de briques.
Le principal intérêt de ce four réside dans l’état de conservation exceptionnel de l’élévation arrière qui révèle le dispositif originel de la sole. Les liaisonnements entre les sommets des pilettes et les maçonneries périphériques sont encore visibles. Ils constituent une résille, un quadrillage, assurant directement le maintien de la charge de pots à cuire.
Le plan restitué permet d’envisager une surface d’enfournement intérieur de 1,20 m de côté avec un alandier de la même longueur possédant une largeur estimée de 45-50 cm environ.
Il s’agit du trente-sixième four mis au jour au sud du bourg de Saran, dans ce que l'on peut qualifier de centre de production de poterie pour le haut Moyen Âge. Toutefois ce modèle de four quadrangulaire ne se trouve pour l’instant qu’en trois exemplaires monté sur cinq ou sept pilettes internes. L’utilisation de ces fours, semblerait en partie consacrée à la cuisson des briques et tuiles. Ceci ne peut être confirmé pour le four de la "Voie Nouvelle" qui a livré presqu’exclusivement de la céramique.
... confronté aux nouvelles technologies
Le fond du four rubéfié, après avoir été dégagé, a fait l’objet de prélèvements en vue de datations archéomagnétiques par l’Institut Physique du Globe de Paris. Cette intervention a permis le prélèvement de douze échantillons qui ont fourni la datation de la dernière chauffe du four entre les années 605 et 750.
Au préalable, la chambre de cuisson a été intégralement démontée assise par assise et l’ensemble des terres cuites architecturales prélevé. Ce démontage a été accompagné d’un relevé photogrammétrique. Le protocole à mettre en œuvre est relativement basique. Il suffit d’un appareil photographique de type réflex avec objectif standard pour réaliser une couverture photographique avec un taux de recouvrement entre chaque cliché d’au moins 50 %. Une série de points d’amer, qui apparaissaient sur les photos du début à la fin des levés, ont été implantés afin de géoréférencer le modèle. Le traitement est basé essentiellement sur des logiciels open-source créés par des ingénieurs de l’IGN, selon trois étapes : identification de points similaires sur les différents clichés ; estimation de l’emplacement des prises de vue et de l’orientation de l’appareil photo ; production du rendu en nuage de points texturés ou en cartes de profondeur ombrées.
Le modèle 3D obtenu permet d’effectuer à loisir des coupes, des sections, ou des plans du four. Il permet aussi une restitution des étapes du montage du four voire une projection des élévations et un calcul des volumes d’enfournement correspondants. Cette méthode novatrice apparaît riche d’enseignements et présage de nouvelles méthodes d’approche renforçant nos connaissances sur l’artisanat potier du haut Moyen Âge.