Tablette de défixion
1 rue Porte Madeleine
Orléans
La nécropole gallo-romaine du site de l'hôpital Porte Madeleine
La fouille réalisée sur le site de l'ancien Hôpital Porte Madeleine en 2022 a permis de mettre au jour les vestiges d'une nécropole gallo-romaine exceptionnelle, présentant de nombreuses caractéristiques très particulières. La fouille de ce site doit se poursuivre pendant toute l'année 2024 et continue de livrer de belles surprises !
Pour en savoir plus sur cette nécropole d'époque romaine, vous pouvez visiter ces pages :
- 📣 Après la fouille : communiquer les résultats auprès des collègues chercheurs
- 🤩 Une découverte exceptionnelle sur le site de l'hôpital Porte Madeleine ! 📸💡
- Découverte d'une sépulture double ☠️☠️
- Encore une découverte exceptionnelle sur la fouille de l'hôpital Porte Madeleine ! 💀🖌
Des tablettes de défixion dans plusieurs sépultures
Certaines sépultures ont livré une ou plusieurs petites feuilles de plomb, dont certaines enroulées sur elles-mêmes, et déposées à proximité des défunts. Dans la sépulture F2199, qui va nous intéresser plus particulièrement ici, la plaque de plomb a été retrouvée entre les jambes de l'individu, à côté d'un vase écrasé et de plusieurs monnaies.
Ces plaques correspondent à ce que les archéologues et historiens dénomment des tablettes de défixion (du latin defixio : envoûtement, malédiction), retrouvées dans tout le monde gréco-romain. L'usage du plomb se révèle à la fois pratique et symbolique : facilement malléable et incisable, ce métal froid renvoie aux profondeurs de la terre et aux divinités chtoniennes (divinités infernales ou telluriques, par opposition aux divinités célestes). Ainsi, ces tablettes sont retrouvées le plus souvent dans des structures aménagées assez profondément dans le sol, dans l'espoir d'une meilleure transmission aux divinités interpelées : puits, sources, ou encore en contexte funéraire. Il s'agit généralement de malédictions, mais parfois aussi de magie blanche, de demande d'intercession.
La tablette de la sépulture F2199
La tablette retrouvée dans cette sépulture était initialement pliée et enroulée sur elle-même. Il a donc fallu procéder à l'intervention d'une restauratrice en archéologie pour déplier la fine plaque de plomb, la consolider, la traiter chimiquement pour enlever les traces de corrosion et la protéger avec l'application d'un vernis incolore.
Rapidement, l'équipe archéologique a pu constater que la partie interne de la tablette (celle qui avait été repliée sur elle-même) possédait des incisions réalisées au moyen d'un stylet, formant une série de lettres et un texte de plusieurs lignes. Les incisions étant très fines et peu profondes, le déchiffrement des mots est loin d'être évident. Il a fallu faire appel à la technique de la RTI, afin de faire ressortir le relief des incisions avec une lumière rasante.
En utilisant les images issues de la RTI, plusieurs spécialistes ont entamé la transcription et la traduction du texte. Celui-ci est rédigé en cursive latine (forme d'écriture manuscrite employée durant l'époque romaine) et comprend en majorité des mots de langue gauloise ainsi que quelques emprunts au grec et au latin. La lange gauloise continue à être utilisée pendant plusieurs siècles après la conquête romaine mais les traces écrites demeurent extrêmement rares. Cette langue a en tout cas disparu depuis bien longtemps et sa traduction s'avère complexe. Il faut utiliser des élements de comparaison dans les autres langues celtiques insulaires (vieil irlandais, vieux breton, vieux gallois).
Les recherches concernant la traduction du texte sont encore en cours, mais il est d'ores et déjà possible d'avancer quelques éléments :
- L'incantation est adressée à Mars Rigisamos, "Mars le Royal".
- Plusieurs personnes sont citées et ciblées par ce qui semble être une malédiction.
- Plusieurs "formules magiques" sont utilisées, très similaires dans leur organisation à d'autres formules déjà employées sur d'autres tablettes (par exemple, tablette de Chamalières dans le Puy-de-Dôme ou plomb du Larzac à l'Hospitalet-du-Larzac dans l'Aveyron).
Proposition de traduction
Les travaux de traduction se poursuivent et sont loin d'être achevés ! Vous trouverez ci-dessous une proposition de traduction établie par P.-Y. Lambert (Directeur de recherche CNRS), pour laquelle nous avons privilégié certaines pistes.
ib r…mi [m]arte rigisamu | a]nmantigIu
À Mars le Royal, qui transperce les noms
Se uiron bnanon uanderonado brixton sod-esti
C’ est l’ensorcellement de ces hommes et femmes ci-dessous (nommés)
Cisin…piSSlon atlon atemiston
lesquels ont accompli l’exploit malheureux et injuste
Etic se-uiron banon canti piSSiantas
et aussi, tous ceux qui ont été complices de ces hommes et femmes
Sollebne(m), Marulliam, Sulpici(i), Claudia(m), Marulliam g., Curiatiu(m), Mat|(e)rno(n), Tiberium, Cantognati, Sulpici(i), (B)regesia, Regina Italica pri(uata) Sulpici(i), Regina Regina, Regina dona Tibe(rius), [..]ix, Ateporigis, Lecti, (Se)gouisu(m)
Liste de noms, en latin d'abord, ensuite invocation à Regina, probable théonyme (nom de divinité) qui revient quatre fois, puis d'autres noms en gaulois.
Visualiser la tablette
Vous pouvez accéder à un outil en ligne permettant de visionner la RTI effectuée sur cette tablettes de défixion. 🚨⚠🚨 Attention, cette RTI n'est pas orientée suivant le sens d'écriture/lecture. À vous de trouver dans quel sens l'orienter !